Peckinpah Hardcore
Le film va diviser... Encore plus que d'habitude pour du Tarantino, mais sur le plan moral essentiellement, là où les précédents Tarantino décevaient également sur la forme, avec des films...
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le 25 déc. 2015
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Le voilà, le premier Tarantino qui divisera les fans eux-mêmes. Oui mais voilà si un film divise, c'est probablement parce qu'il est très intéressant à étudier. Comme a précisé, le dessinateur et réalisateur Joann Sfar, " on ressort de ce film, groggy". L'important avec une oeuvre n'est pas de savoir si le public va avoir ce qu'il attend, " sa petite sucrerie " mais bien de comprendre la portée de son message. Alors est-ce un ovni tarantinesque ou bien le résultat d'une maturité du cinéaste ?
Et bien c'est un peu de deux.
Tout d'abord, c'est un film à aller voir en V.O., rien que pour respecter les tons et les rythmes de chaque conversation. Etant un huis clos, tout tourne autour de dialogues qui sont ciselés au millimètre. Tout est important. 2h50 de plongée dans un univers oppressant, cela peut paraître long mais le but est de faire ressentir au spectateur le malaise, la violence, l'angoisse de ce moment.
Le petit bonus, non négligeable est de pouvoir le voir dans une des rares salles de France qui ait choisi de projeter le film en 70 mm avec 8 minutes en plus et un entracte. Cette dernière sert à apprécier encore plus et à réfléchir sur ce moment angoissant ou à se replonger dedans si on est en sorti quelque peu. Le film a été tourné en 70mm, la qualité du film est donc encore plus belle et plus précise qu'avec le tout numérique. Il y a un grain et un scintillement de l'image qui apportent un cachet d'authenticité qu'on ne peut qu'apprécier.
Ce film est d'abord un ovni pour Tarantino qui nous avait habitué aux dialogues travaillés mais ceux-ci étaient toujours entrecoupés de scènes d'action violentes et jouissives. Ici, on se rapproche du Thriller, où une enquête s'opère pour déterminer les rôles de chaque protagoniste. On entre dans ce huis clos avec un apéritif, à savoir la scène dans la diligence, où les 4 premiers personnages ( sans le cocher ) se retrouvent. Comme pour nous initier au huis clos qui va suivre dans la maison, Tarantino prépare le terrain avec un scénario moins chapitré que d'habitude. On a surtout 2 parties importantes dans ce film mais elles sont complètement liées. Première fois que Quentin Tarantino choisit de réduire nos espérances, nos idéaux, à de simples rêves ( Django, Inglorious, Kill Bill, Pulp Fiction). Ici, tout est sombre et il y a peu d'issues de secours à cette tragédie. Certains reprochent à cela, le fait que l'on ne puisse ainsi pas s'attacher aux personnages. Aussi étrange que cela puisse paraître, ce n'est pas le but, le spectateur doit être omniscient et dérangé par cette scène étrange qui se déroule sous ses yeux.
On pourrait rapprocher ce film de l'ambiance du Crime de l'Orient Express d'Agatha Christie, de Reservoir Dogs bien évidemment, du Huis Clos de Sartre, de The Thing de John Carpenter. La thématique essentielle est bien le huis clos qui doit être analysé pour ce qu'il est et non pour l'histoire. Les personnages ne peuvent pas sortir de la maison mais n'en ont pas non plus l'intention. C'est un huis clos, à la fois contraint et choisi. Avec la tempête de neige qui fait rage dehors, impossible de ressortir, il faut tout barricader. Le spectateur est donc invité à se remémorer les scènes d'introduction avec les paysage de plaines et de montagnes enneigées. C'est le seul moment où l'on peut les contempler à travers différents plans en panoramique avec une lumière retravaillée mais très élégante. Ensuite, on se sent enfermé avec les personnages et on peut comprendre leur frustration, leur énervement, leur impatience... Ces personnages sont d'ailleurs parfaitement interprétés par, notamment Samuel L.Jackson en enquêteur improvisé, Kurt Russel en bourreau convaincu et Jennifer Leson Leigh qui incarne la prisonnière à merveille, entre sauvagerie, manigances et ruses. La mise en scène est très juste. Les différents bruits entendus dans la pièce, sont là pour interpeller le spectateur, soit pour qu'il se concentre sur un détail soit pour le tromper comme le ferait un magicien. Tarantino apprécie le détournement d'attention pour accentuer la surprise. Certains y voient un parallèle entre Reservoir Dogs et Inglorious Basterds mais Tarantino a toujours un peu puisé son influence dans ses anciennes références. C'est même volontaire, afin d'établir des thématiques liées entre ses films.
Les combats sous-jacents pour la liberté, le droit, sont à comprendre à travers ce huis clos.
L'imaginaire se renouvelle, non dans les scènes mais dans les relations entre les personnages qui sont toujours différentes.
On peut établir cette oeuvre comme celle de la maturité, où les dialogues servent à éclairer les côtés sombres de notre société. Le spectateur a peu de recours, d'échappatoires si ce n'est sa propre réflexion. On ne peut pas supprimer de scènes, elles sont toutes essentielles, bien filmées avec des points de vue différents, bien jouées, bien montées. Le rythme est fluide mais la première partie aurait pu être raccourcie un peu ou alors être accélérée. Ou alors il faut s'habituer à nouveau à ce cinéma plus posé. D'ailleurs, la musique n'est pas celle d'un western américain mais celle des western italiens de Sergio Leone. Les mélodies entraînantes, de Ennio Morricone sont inquiétantes et mystérieuses et se rapprochent parfois un peu de la country. Les montagnes et la neige évoquent la liberté mais les personnages sont eux prisonniers du contexte dans lequel ils ont choisi d'entrer.
Cette auberge mystérieuse et isolée regorge plus de secrets que l'on ne s'y attend en y entrant.
Un film qui peut diviser par sa longueur, son manque d'action, ses influences connues mais tout cela set le propos au final. Toutes les scènes sont donc utiles pour montrer que tout n'a pas de but précis.
Créée
le 12 janv. 2016
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