Bien avant d'aller voir le film, je tiquais sur sa durée et me demandais bien pourquoi Quentin Tarantino rendait un film aussi long. Les premières scènes d'exposition des huit salopards ne m'ont pas trompé puisqu'elles sont léchées à souhait avec ces paysages enneigés mais pas que... En effet, le major Warren et le chasseur de primes commencent par palabrer sous le blizzard et à parodier les plus grandes scènes de western U.S. L'effet de cabotinage passé, l'entrée dans l'auberge de Minnie sonne l'entrée du film dans un quasi huit clos où le verbe prendra décidément l'avantage sur l'action. Tarantino,comme ça a pu lui arriver sur certains films, n'a pas dosé pour remplir son films de dialogues inutiles, parfois limite niveau registre. Mais que diable est il allé faire dans cette galère?
Bien avant la sortie officielle des huit salopards, Quentin Tarantino s'est fait volé la copie de son scénario inachevé et cet épisode a semble-t-il joué sur le devenir du film. En effet, certains effets décalés ( comme la voix off qui raconte l'action de certains personnages à deux reprises) est vraiment grotesque et le spectateur en vient à se demander si le réalisateur n'a pas piraté des effets de son scénario originel volé pour démontrer aux malfaisants qui l'ont puni qu'il pouvait rester le maître à bord aussi mauvais son effet fut il. Ce genre de posture déroute et fait ressentir la détresse d'un homme de cinéma bafoué et malheureux.
Ce qui sauve le film du naufrage total, c'est bel et bien le jeu des acteurs ( De Samuel L. Jackson à Kurt Russell en passant par Jennifer Jason Leigh et Tim Roth). Le spectateur sent leur plaisir à camper des personnalités aussi baroques et de se renvoyer la balle sur des dialogues aussi peu vraisemblables. Leurs performances ne sauvent malheureusement pas un film en apparence découpé en chapitres mais foutrement bordélique. En effet, le glissement de mise en scène qui révèle le dispositif général au spectateur n'est pas crédible pour un sou et les saillies de Domergue ou du major Warren ne peuvent pas cacher la misère d'une mécanique si peu huilée et tombant comme un cheveu sur la soupe.
La déception majeure réside aussi dans un film qui devait être le prolongement logique de Django Unchained. Alors que ce dernier film présentait l'atrocité de l'esclavage dans une bonne cohérence et justifiait les actions de l'esclave bafoué, les 8 Salopards se perd en considérations sur les esclavagistes ou les Sécessionnistes et l'abattage de Tarantino est stérile et vain. Cela est aussi aggravé par le fait que les personnages de l'auberge de Minnie sont autant de fripouilles qui finissent par incarner des caricatures irrécupérables qui se déchirent dans ce contexte soi disant fondateur de l'Amérique moderne. Tarantino, avec sa lecture limitée et à côté de la plaque, défonce l'histoire américaine pour ne pas lui donner un espace de lumière (ce que faisait au moins Inglorious Basterds et Django Unchained) salvateur. A en juger,pareille posture aurait été plus en phase avec la période de la Frontière plutôt qu'avec la figure de Lincoln et des fondateurs de l'Amérique ( heureusement que l'épisode de la lettre est anecdotique par rapport à la posture du major Warren et ne ridiculise pas plus les premiers présidents américains,sinon c'était révolution à Washington).
Les huit salopards,film au scénario volé, a fini par se perdre dans ses intentions et Quentin Tarantino a malheureusement pondu un film amer,déjanté et râté. Je le déplore pour l'homme qui est sympathique et talentueux. J'espère qu'il rebondira car son style novateur a bousculé les codes du cinéma contemporain d'action. En sortant un prochain film moins ambitieux mais tout autant estampillé pulp, nous devrions revoir un Quentin Tarantino mieux dans ses baskets et son cinéma.

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le 20 janv. 2016

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