Le Tarantino ultime.


(Attention, pas forcément le meilleur film de Tarantino. Simplement la suite logique, le cocktail parfait de sa filmographie.)


Celui qui couronne la carrière de notre bien aimé Quentin en accouplant toutes les caractéristiques, idées fixes, addictions du réalisateur.



  1. C'est enfin LE Western avec marqué "TARANTINO" au fer rouge sur le flanc.


Evidemment, si il y a bien eu une idée fixe chez Quentin, c'est le western. Dans chacun de ses films, une scène, une posture, un gimmick, ou la totalité du film, est un western. Son univers même est le plus propice du monde à ce genre cinématographique: Reservoir Dogs, Pulp fiction, Boulevard de la mort, Kill Bill et autres, sont des intrigues Western-like, où les héros évoluent dans une sorte de réalité parallèle, violente, crue, guidée par des idées fixes (l'argent, la vengeance, ou les simples pulsions perverses ou violentes) et leurs propres codes. Dans Reservoir Dogs notamment, il est brillamment détaillé comme à quel point il faut être pointilleux pour s'intégrer dans cet univers, quand le jeune flic impliqué doit s'entraîner pour raconter une histoire à tous ces Badass Motherfuckers. La liste est longue pour expliquer en quoi Quentin Tarantino est possiblement le seul réalisateur contemporain à pouvoir réussir un Western moderne. Dans the Hateful Eight, il puise dans la source la plus pure des Gimmicks de Western et réussit son cocktail avec le plus haut degré de justesse.


Il ne tombe pas dans le piège des codes comme ont pu le faire les frères Cohen avec True Grit. C'est bien le tour de force que représente the Hateful Eight : Un concentré de Western, sans qu'aucun code préemballé dans le genre ne vienne nous faire tristement soupirer au visionnage.


Comment donc a-t-il réussi ? Premièrement, parce que c'est un génie. Deuxièmement, parce que l'histoire prend place Dans le Wyoming, Dont le paysage est connu des Westerns de la seconde vague Western américaine (L'homme des hautes plaines, Pale Rider, etc) Mais ne représente pas un cliché dans l'imaginaire collectif. Troisièmement, car il n'y a pas de personnage principal, et donc pas d'idée fixe centrale (la vengeance, etc). Quatrièmement, parce qu'il ressort des cartons un sous-genre ou une sous-manière de faire du Western : le Huit-Clos (3h10 pour Yuma, Rio Bravo). Cinquièmement, il place le contexte post-guerre de sécession dans le fond de l'intrigue sans en faire un énorme panneau d'indication pour l'histoire et son déroulement. Ainsi il fabrique une toile de fond qui reprend des techniques connues, sans qu'elle ne déborde de teintes grossières et Has-Been, pour qu'il puisse faire gicler sa touche personnelle en toute liberté.



  1. Sa touche personnelle, c'est :


-Les dialogues tarantinesques, pétris d'accents, expressions, fautes de langues, grossièretés qui tissent la toile de toutes les névroses et tensions qui font l'Amérique post-sécession. Les dialogues, ingrédient si essentiel de ses films, n'ont pas seulement la vocation d'être génialement écrits. Ils construisent le temps et l'espace du film : Red Rock, le passé de chaque personnage, autant de représentations mentales de lieux et d'histoires que le spectateur ne verra jamais à l'écran, enfermé dans la mercerie de Minnie, proie du blizzard, comme tous les autres protagonistes.


-Le références, discrètes cette fois-ci. Tarantino aime tellement le cinéma qu'il n'hésite pas à récupérer des musiques de films déjà cultes pour les siens (exemple : Kill Bill 2 détient dans sa B-O un titre original de Le bon, la brute et le truand, et le dénouement de Django Unchained est couvert par le Thème original de la saga "Trinita"). Pour the Hateful Eight, Quentin épure son système de références et le plaçant dans la construction même du récit (Comme la construction et les codes narratifs de Agatha Christie) et n'en fait pas un point central de son film comme il a pu le faire dans Kill Bill.


-Sa narration, ordonnée à sa façon comme toujours, mais plus sobrement cette fois. Nous n'avons le droit qu'à un flashback totalement justifié dans le récit. Ce procédé que le réalisateur affectionne énormément nous rappelle que nous évoluons dans un Tarantino, et que comme dans tous ses films (à part Django Unchained), on ne sais jamais ce qu'il nous mijote avant de le voir. Ce point là est un grand facteur de la réussite de son film en tant que Western, car il nous surprend, chose que les fans de Western attendaient depuis des lustres.


-Sa déconstruction complexe de l'idée de la narration, ou du mensonge en général. Que ce soit Oswaldo Mobray, Chris Mannix, Marquis Warren, Joe Gage, etc... TOUS les personnages sont en proie au faux semblant, à la méfiance, et doivent, sincères ou non, raconter leur histoire de façon à ce qu'elle soit la plus vraie possible, mais aussi croire à celle de l'autre. Joli clin d'oeil de Quentin à Tarantino quand Oswaldo explique avec grande éloquence l'importance, voire la mythologie du métier de bourreau, alors qu'il ment sur son identité. Dans Reservoir Dogs, Mr Orange joué par le même acteur (Tim Roth), flic infiltré, apprend comment mentir avec efficacité. Comme quoi, non seulement Tarantino est un très grand réalisateur, mais il constitue un univers de cohérences anachroniques crédibilisées par ses acteurs récurrents. Beaucoup, voire énormément de personnages joués par les mêmes acteurs au long de ses films ont des traits de caractère et d'intrigues similaires. De quoi bâtir les théories les plus folles sur les films de notre Quentin. Cette refléxion narrative nous permet même d'imaginer notre génie pendant l'écriture de son film.


-Dernier point, et sûrement le plus important : Les personnages transpirent tous le Western, mais ne sont pas des archétypes. Ils apportent tous leur patte à la mythologie: Marquis Warren en premier lieu, chasseur de prime noir sadique, ou John Ruth, badass motherfucker de son état, mais aussi homme d'éthique... Oswaldo, bourreau à l'accent british avec un certain sens de la formule, etc etc.. Une mention spéciale à Chris Mannix, homme présenté comme le plus ridicule mais qui au long du film prouvera a quel point il est un OVNI parmi les personnages de Western.


Quentin Tarantino a donc réussi plus qu'un bon western (tâche déjà très ardue), il a enfin offert à ses spectateurs aussi cinéphiles que lui un western englobant et dépassant le genre avec une justesse impressionnante, tout en restant le plus fidèle qu'il soit à son cinéma. Après des années à pasticher le western, il réussit à dépasser les codes anciens grâce à l'unicité de son cinéma. De loin, selon moi, le meilleur western depuis 30 ans.


Il est difficile de qualifier un réalisateur aussi populaire que Tarantino de génie. Mais dans ce film, les fans de western n'ont plus d'excuses, les autres... non plus.


J'en viendrais presque à souhaiter que ce film soit son dernier, tant il représente un aboutissement.

AlixP
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le 15 nov. 2016

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Alix Pradel

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