Original mais décevant...
Après l'échec commercial retentissant de l'ambitieux "Une balle dans la tête", Woo avait besoin de se refaire financièrement avec un film grand public calibré pour le nouvel an chinois. Il choisit de tourner une comédie d'action, style film de cambriolage. Le projet est aussi intéressant que, au final, décevant: le tournage, polyglotte (cantonais, anglais et français), est réparti sur Paris, Nice et Hong-kong et permet au réalisateur de donner libre cours à sa passion pour la France à travers une enfilade de plans à la composition parfaite. Je crois que, visuellement parlant, il n'y a strictement rien à jeter: décors naturels, églises et oeuvres d'arts sont magnifiquement mis en valeur par un Woo techniquement à son summum. La musique, mélange d'airs faussement franchouillards et de grandes compositions classiques, rehausse l'aspect romantique et extrêmement classe de l'esthétique du film. Enfin, les acteurs, glamours à souhait, finissent de donner à "Les Associés" son cachet original (aucun film hongkongais ne ressemblait à ça, à l'époque) et lyrique.
En effet, les séquences d'action, combinant acrobaties de voleurs, cascades de véhicules chorégraphiées par Rémi Julienne en personne et gunfights à vocation humoristique, baignent dans un univers éthéré pétri des codes de John Woo mais avec une volonté de renouvellement et de fantasie constante. Et là, malheureusement, l'équilibre entre tension dramatique et humour absurde ne fonctionne pas. Chow Yun-fat, qu'on est heureux de revoir en compagnie de John Woo depuis "The Killer" en fait des tonnes dans le style grimaces et pitreries honteuses. L'humour chinois il parait... N'est pas Stephen Chow qui veut ! J'ai vraiment un pincement au coeur en regardant cette prestation qui oscille entre la classe habituelle de ce grand acteur et des boufonneries génantes, voire humiliantes. John Woo ne maitrise tout simplement pas la délicate recette de la comédie, où alors, de façon très brève. En effet, au-delà des répliques carambar ( à un homme qui brûle, Yun-fat lance: "Faut pas jouer avec le feu ! Bon, je vais appeler les pompiers..." HAHAHAHAHAHAHAHAHAHAH ! Trop drôle... ou pas) et de l'exagération interminable de certaines scènes, surnagent des idées géniales qui laissent entrapercevoir ce que le film aurait pu être: séquences de dance et d'action avec une chaise roulante, duel contre un tueur magicien, utilisation du décor comme arme mortelle...etc.
Reste que "Les associés" est une véritable bouffée d'air frais dans la filmographie tragique de Woo et permet à ce dernier ainsi qu'à Chow Yun-fat de se lacher complètement avant l'apothéose qui viendra l'année suivante sous le titre de "Hard Boiled"...