Comédie efficace, gentille et SANS message. De Funès excellent.

Rabbi Jacob sort dix ans avant la mort de Louis de Funès. Il arrive alors au terme d'une période extrêmement prolifique et se raréfiera dans la décade à venir, marquée par ses films les plus bouffons : Gendarmes, Soupe au choux, rencontre ratée avec Coluche. D'ici là, il trouve un de ses meilleurs rôles dans la peau de Victor Pivert, industriel parisien raciste et acrimonieux (et plus psychorigide que véritablement inculte). Les gesticulations de l'acteur ont rarement été si bien soutenues. En effet, son jeu survitaminé a souvent tourné à vide faut de mise en scène et de gags solides ; c'est même arrivé chez Oury, avec Le Corniaud, premier triomphe de ce réalisateur, collaborateur très proche de De Funès (qui est à l'origine de sa ré-orientation vers la comédie).


Pivert apparaît comme un prolongement de Salluste dans La Folie des Grandeurs : il n'est pas si flamboyant, mais bien plus vraisemblable, accordé à son temps et à sa fonction. De Funès devient une Cruella au masculin (mais cet odieux salaud est trop froussard pour passer du grade de connard à celui de diablotin : c'est plutôt un fourbe hyperactif). Avant de devoir se travestir en Rabbi Jacob (toute la seconde moitié du film, plus gentillette), chacune de ses apparitions relève déjà du sketche hystérique. La farce culmine lors du passage à l'usine, lorsque Pivert est recouvert de chewing-gum : avec sa dégaine à la Swamp Thing, la séance prend des allures de vieux nanar SF paranoïaque. Pour une fois, en plus des folles péripéties et des farces visuelles, les dialogues et l'écriture en général sont également inventifs et corsés – quoique l'inspiration se tasse, sur tous les plans, dans la dernière ligne droite. Et s'il n'y a (quasiment) plus de gags en voitures (une récurrence chez Oury), la tendance au road-movie burlesque est toujours à l'ordre du jour, avec de gros moyens (et beaucoup de bruitages) pour booster les allers et venues.


Sorti pendant la guerre du Kippour, Rabbi Jacob a été l'objet de nombreuses critiques et polémiques. Le seul élément 'directement' politique concerne les poursuivants, autrement dit les méchants, qui appartiennent à une police d’État d'un pays arabe ; mais leur cible, à la base, est un dissident interne à leur communauté. En revanche, Rabbi Jacob est politisé au travers du personnage de De Funès, généreux en petites assertions droitistes ou pessimistes ; la plus forte et pertinente étant « Il aime qu'on lui mente, le peuple ! ». Pour le reste, le film est récupérable mais pas antiraciste en lui-même, ni engagé où que ce soit : les 'rencontres' culturelles font partie de l'amusement, le militantisme servira la promotion du film et les projections de certains. Ainsi, la scène où De Funès est aspergé de cendre ne sert qu'une ironie balourde, contrairement au final crétin du futur Pic de Dante. La vérité si je mens sera une immersion bien plus intime chez les juifs, s'avançant davantage sur les mœurs, les mentalités présumées et le rapport au monde des Juifs ; quand Rabbie Jacob ne fait que montrer des traditionalistes et des religieux dans leur petite bulle. Oury (dont les parents étaient juifs) tentera de ré-éditer ce succès avec Lévy et Goliath 14 ans plus tard. Ce sera le commencement de sa fin.


https://zogarok.wordpress.com/2016/02/14/les-aventures-de-rabbi-jacob/

Créée

le 14 févr. 2016

Critique lue 815 fois

1 j'aime

Zogarok

Écrit par

Critique lue 815 fois

1

D'autres avis sur Les Aventures de Rabbi Jacob

Les Aventures de Rabbi Jacob
Grard-Rocher
8

Critique de Les Aventures de Rabbi Jacob par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Critique remaniée le 25 octobre 2021 Victor Pivert est un homme d'affaires très préoccupé, nanti, irascible et survolté. En effet outre ses "affaires", omniprésentes dans son esprit, il doit marier...

47 j'aime

32

Les Aventures de Rabbi Jacob
Ugly
9

Victor Pivert, comme un pivert

Cette comédie populaire culte reste indémodable, chaque diffusion télé fait péter l'audimat, et je crois que comme la Grande vadrouille (qui reste quand même mon préféré), malgré le nombre de fois...

Par

le 1 janv. 2017

44 j'aime

59

Les Aventures de Rabbi Jacob
LastEquinoxx
8

Un bon film délivre toujours un message fort

Je préviens, je vais un peu m'enflammer : Les Aventures de Rabbi Jacob est un film intelligent. Ne riez pas. Sous couvert de comédie, ce film dénonce le racisme ordinaire et l'ineptie que représente...

le 1 août 2010

29 j'aime

5

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

51 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2