Innocent Hier , Inimaginable Aujourd'hui

Les bijoux de famille est une comédie érotique et polissonne datant de 1975 dont l'intrigue minimaliste suffirait amplement à un film pornographique du moins à l'époque ou il existait encore un semblant d'histoire entre deux scènes de cul. Le film demeure la seule et unique réalisation de Jean Claude Laureux qui ensuite deviendra ingénieur son dans des univers un peu moins fes(se)tifs chez Jacques Doillon, Anne Fontaine, Kieslowski, Benoit Jacquot, Louis Malle ou Alain Resnais.

Clairement Les bijoux de famille est loin d'être un bon film mais en le regardant je suis resté assez sidéré par une audace toute juvénile qui aujourd'hui vaudrait sans doute à son réalisateur trois procès et dix scandales. Le film nous plonge dans une demeure bourgeoise et provinciale qui après la mort du patriarche va laisser une veuve joyeuse, une affaire industrielle à reprendre et un joyeux souffle de libération sexuel. On retrouve dans le film de Laureux une jolie farandole de personnages très clichés de la veuve éplorée au jeune bourgeois coincé en passant par la soubrette naïve, la jeune fille à marier et le fameux chauffeur de maître très porté sur le braguette. A vrai dire il n-y a pas grand chose à dire sur le film en tant que tel en tout cas de manière purement critique et cinématographique. En revanche ce qui m'a vraiment marqué en regardant le film c'est cette liberté de ton hallucinante, surtout si on la compare aux carcans de plus en plus resserrés et arbitraires d'un politiquement correct castrateur. En 40 ans nous semblons avoir perdu tellement de distance, tellement de recul, tellement de libertés, tellement de frivolité qu'un film aussi innocent et léger que Les bijoux de famille apparaîtrait en 2019 comme un crachat provocateur et réac aux yeux de beaucoup de monde. Il faut dire que Les bijoux de famille multiplie les scènes impensables aujourd'hui et les dialogues qui sentent le souffre comme lorsqu'une jeune fille déclare que "la seconde guerre mondiale était bien plus agréable car au moins les femmes pouvaient s'amuser avec l'occupant allemand".... Le film flirte aussi avec les tabous de l'inceste et même de la pédophilie quand une jeune fille avec un pénis factice avoue sans la moindre distance qu'elle se taperait bien un petit chaperon rouge de sept ans.... Encore plus discutable le film comporte deux scènes de viol d'un machisme assez crasse puisque dans la première on verra après l'acte l'homme s'essuyer le sexe dans un torchon à vaisselle avant de demander "ce qu'on bouffe ce soir" et la seconde serra carrément montrée comme un moyen de libération et d'émancipation pour la femme. Autant dire que de telles séquences vaudraient aujourd'hui au film d'être lapidé sur la place publique par les médias avides de buzz, la critique bien pensante et les réseaux sociaux.....

ATTENTION je ne cautionne aucunement les scènes décrites plus haut sans le moindre recul, je les trouves moi aussi parfois choquantes; ce n'est pas une question morale de bien et de mal mais de liberté artistique... Ce qui me touche vraiment c'est que le film est surtout le reflet d'une époque un million de fois plus libre que la nôtre et une preuve assez implacable que la liberté d'expression artistique recule de plus en plus dans un conformisme qui bande mou.