Cenere aka Les cendres du passé réunit trois artistes italiens fameux à l'aube du 20e siècle : le réalisateur Febo Mari, la comédienne (de théâtre) Eleonora Duse et l'auteure Grazia Deledda. Ce film italien de 1916 est tiré du roman Cenere (1904) de Deledda, dont l’œuvre générale se déroule dans sa région natale et sera saluée par un prix Nobel en 1926. La Sardaigne est également le lieu de l'action et du tournage pour le film (il aurait duré quatre mois et se voulait ambitieux – quelques étages en-dessous des premiers 'péplums' tel Cabiria). Eleonora Duse joue la mère pauvre abandonnant son garçon illégitime à un couple riche, retrouvée par lui grâce à l'objet qu'elle lui a laissé.
Febo Mari (L'Emigrante de 1915) se fait réalisateur et acteur (idem pour Attila) en prenant l'habit de ce fils en quête. Son travail est laborieux, fort en contrastes mais sans épine dorsale consistante, manquant de chair et de rigueur. Cenere est un mélodrame radical : la psychologie est laissée en plan au profit de situations et de faits lourds, l'issue est 'énorme' mais peu justifiée, les échanges entre personnages sont l'occasion de relier des hystéries. L'ensemble est agité, peu solennel, ce qui atténue ses défauts et la potentielle artificialité. Le contexte rural sert de contrepoint presque exotique au maniérisme du genre. Les interprètes sont convaincants, intenses ; la mise en scène énergique, emphatique, sans éléments extraordinaires.
Ces atouts donnent au film une certaine force, malgré les motivations superficielles des personnages. Mais c'est encore trop peu pour décoller. Le spectateur en est toujours à contempler des agissements décousus, les scènes pleines de gestes vains succèdent à d'autres sur-chargées d'informations secondaires. Le flottement général est justifié par cette sortie fatale ; il s'agissait d'attendre, avec cette crainte pour donner plus de saveur aux émotions croisées en chemin. Eleonora Duse rejettera le résultat et retournera à sa retraite. Cenere restera sa seule apparition à l'écran, sept ans après sa dernière sur les planches. Cette production Ambrosio (Les derniers jours de Pompéi, L'Isola Tenebrosa) d'une trentaine de minutes était pourtant un événement en son temps, peut encore séduire à défaut de convaincre et garde une valeur de témoin.
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