De plus en plus délaissé par le cinéma US au profit de films d'animation considérés comme plus rentables pour la période des fêtes, le concept de film de Noël ne semble désormais se résumer qu'à une masse de téléfilms mièvres, industriels et interchangeables dont Netflix récupére aveuglément les droits chaque fin d'année afin de gonfler son catalogue de bons sentiments.
En 2017, une petite voix discordante s'était néanmoins fait entendre pour assurer la survie du genre sur grand écran et, étonnamment, elle était française. Avec "Santa & cie", Alain Chabat avait en effet tenter le pari de retrouver l'essence de ces films typiquement américains en la transposant sur les terres parisiennes. Et cela avait fonctionné, les aventures de ce Père Noël coincé dans notre monde malgré lui parvenait à doser le merveilleux, le rire et l'émotion enfantine avec un brio qui n'avait rien à envier aux recettes US habituelles.
Cette année, réalisant peut-être la médiocrité de ses téléfilms de Noël, Netflix a décidé de passer à la vitesse supérieure dans son occupation de ce créneau en produisant son propre long-métrage de Noël, "Les Chroniques de Noël", et quoi de mieux pour cela que de faire appel à un spécialiste du genre à la production, Chris Colombus, et un acteur à la sympathie aussi immuable que son charisme pour incarner le Père Noël, le toujours fringant Kurt Russell ?
Depuis la mort de leur père/mari pompier, le coeur n'est plus à la fête chez la famille Pierce à l'approche de Noël. Pendant que leur mère enchaîne ses gardes d'infirmière afin de subvenir aux besoins de la famille, Teddy, un adolescent à la dérive, ne s'entend plus vraiment avec sa petite soeur, Kate, obsédée à l'idée de retrouver l'esprit familial de Noël avec lequel elle a grandi. La veille de Noël, cette dernière parvient pourtant à convaincre son grand frère d'attendre avec elle l'arrivée du Père Noël par la cheminée mais, suite à un accident, les deux enfants vont involontairement mettre en péril le Noël de toute la planète...
Bon, juger un film de Noël n'est jamais une chose aisée. Pour peu que l'on soit un minimum contaminé par l'esprit bon enfant de cette période de l'année, la pire guimauve dégoulinante de bons sentiments aura la capacité de ravir les faveurs de notre indulgence la plus insoupçonnée. A contrario, les détracteurs de cette fête ne pourront être qu'hermétiques à ce genre de film dont les ficelles ne feront qu'exacerber leur regard cynique. Dans le but de trouver une voie médiante entre ces deux extrêmes, il convient de se poser deux questions pour juger de la qualité de ces "Chroniques de Noël".
D'abord, est-ce que le film de Clay Kaytis a le potentiel pour devenir un incontournable de Noël que l'on pourrait revoir avec plaisir dans les prochaines années ? La réponse est hélas non. Sur un postulat finalement assez similaire à "Santa & Cie" (un Père Noël bloqué dans notre monde par accident), "Les Chroniques de Noël" n'offre qu'un lot de péripéties oubliables et déjà connues auxquelles il manque un degré certain de folie pour marquer les esprits. Là où, par exemple, Chabat avait joué à fond sur le décalage humoristique de son Père Noël face à la rigidité de notre société, "Les Chroniques de Noël" se montre toujours trop sage dans des situations très proches (en prison, notamment) pour nous faire décrocher de vrais sourires et ce, malgré un Kurt Russell s'amusant comme un petit fou dans le rôle, l'énergie incontestable qu'il apporte au film aurait sans doute pu être utilisée à meilleur escient dans une optique moins calibrée.
De même, tout ce qui entoure l'évolution des enfants Pierce au cours de cette fameuse nuit pour se retrouver et surmonter la mort de leur père ne fait pas dans l'originalité la plus folle. Le traitement oscille trop souvent entre la superficialité de certaines scènes où les personnages déballent trop facilement ce qu'ils ont sur le coeur pour avancer et un côté malgré tout touchant dans la reconstruction d'un lien frère/soeur perdu face à l'extraordinaire.
Ensuite, à défaut d'être marquant, est-ce que "Les Chroniques de Noël" fait au moins son job de film de Noël le temps de son visionnage ? Il faut bien reconnaître que, oui, le film de Clay Kaytis contient de jolis moments par sa capacité à émerveiller avec tout ce qui entoure l'aura de son Père Noël. De ses virées en traîneau à haute vitesse au milieu des gratte-ciels à un passage nous dévoilant le fonctionnement de la hotte de cadeaux, "Les Chroniques de Noël" risque fortement de réveiller votre regard d'enfant le temps de quelques séquences réussies en jouant avec les codes de la mythologie de Noël insérés dans notre monde. Toutes ne feront pas mouche en permanence (aïe, ces espèces d'elfes-mogwaïs en CGI désastreux !) mais force est de constater que le film est plutôt généreux de ce côté et délivre toute la magie contagieuse de Noël que l'on était en droit d'attendre et sublimée par la musique de Christophe Beck.
Même si les développements les entourant restent très classiques, suivre les aventures de ce trio formé par le Père Noël et ces deux enfants se révèle aussi plaisant. Rien de fou ou de transcendant à signaler mais les interactions entre eux et le reste de la population face à l'énormité de la situation fonctionnent plutôt bien, surtout quand le Père Noël tente de convaincre les gens sur sa véritable identité en faisant appel à leurs souvenirs d'enfance ou lorsque la tradition de Noël se mêle à des références plus contemporaines (voir le Père Noël parler de "fake news" à propos de son fameux "Ho ! Ho ! Ho" est assez drôle). Enfin, si l'émotion en reste à un stade très basique vu la simplicité de l'intrigue et de ses rebondissements attendus, elle fait malgré tout son petit effet et on se surprend à s'être attaché à ce trio improbable plus que de raison lorsque les adieux se font sentir. La magie de Noël encore une fois, sans doute...
"Les Chroniques de Noël" fait donc partie des films de Noël qui font plutôt bien leur job, surtout sur le côté merveilleux que ces longs-métrages impliquent forcément. Trop anedoctique pour devenir un classique, il emportera probablement l'adhésion des plus petits tout en faisant passer un bon moment aux plus grands. Déjà pas si mal et puis, passer la nuit de Noël sur le traîneau du Père Kurt Russell, c'est quand même sacrément la classe !