La plus éloquente et animée des premières superproductions

Les premières superproductions ont été réalisées en Europe et s'inspiraient des heures les plus fringantes de l'Histoire, avec une fixation démesurée sur l'Antiquité. Vers 1910, Jules César, La guerre de Troie puis Agrippine déploient déjà des moyens remarquables pour l'époque, avec une durée conséquente (15 à 30 minutes, des quasi 'longs' à ce moment-là, quasi 'courts'-métrages vus de loin). En 1912, le premier péplum titanesque est présenté au public : c'est Quo vadis, en format long-métrage (neuf bobines soit environ 1h30), récit à la gloire des martyrs chrétiens de Rome. Puis vient Cabiria (1914), premier 'blockbuster' historique battant des records. Ces deux films jettent les bases du cinéma épique et 'massif', inspirant d'abord Griffith aux USA.


Les Derniers jours de Pompéi (1913) sort entre Quo vadis et Cabiria. Il ne démérite face à aucun et réunit même les meilleures conditions pour aborder un spectateur contemporain. Le film est remarquablement conservé et présente (même sans cela) un intérêt graphique et esthétique très fort. Il est également assez nerveux, multipliant les ellipses, allant toujours à l'essentiel, valorisant l'extraversion ou la fougue de ses personnages. De nombreuses techniques avancées sont utilisées, comme les plongées face aux lions, le close-up avec les colombes, auxquelles s'ajoutent des captures alors rares tel le panoramique face à la mer. Les profondeurs de champ sont exploitées avec une aisance probablement inédite, la pyrotechnie utilisée à la fin [pour la catastrophe naturelle] est plus modeste mais les prises de vues et les accessoires savent toujours donner l'illusion du 'grand'.


Les piteuses démonstrations de l'américain Ben Hur (1907) sont balayées et ici l'imagination ou la dévotion ne sont pas nécessaires. Le souffle héroïque n'est pas présent car il manque d'appuis, mais le film restitue des émotions fortes et mouvements romanesques en tableaux. C'est une réussite par son avalanche de 'détails', sa succession de vues poétiques, souvent audacieuses, tournées vers l'intrigue plutôt que le symbolisme. L'histoire en elle-même est moins saisissante et son lien à l'éruption est opportuniste ; la colère du Vésuve n'est qu'un complément. La réalisation tire et exploite davantage une sève romanesque et sensationnelle, en la raffinant, alors que le Vésuve et la Rome antique servent de fond. Et quel beau fond ! Faste et creux.


Une vague 'critique' sociale émerge, avec cette protagoniste affaiblie par sa cécité, mais volontariste et de bonne foi, versant dans l'illumination interdite aux autres, pendant que le cynisme menace les notables autour. Mais la conception est molle et contradictoire, la réalisation ne sait pas davantage le souligner. C'est tout de même un renfort à la dimension baroque dont se pare le film jusqu'au-bout, embrassant tout ce qui peut servir l'enthousiasme (on croisera une sorcière, verra des lâchetés révoltantes, autant de barrières et de folies à dompter) tout en ayant Nidia pour phare vertueux, tellement qu'elle surpasse le tragique qui lui semble promis. L'écriture est lyrique, très synthétique, volontiers dans le raccourci à tous degrés. Force, courage, splendeur, font de ces Derniers Jours une aventure puissante, au-delà des 'simples' gros moyens et malgré le fétichisme de l'anecdote.


Ce film co-réalisé par Caserini et Rodolfi est la deuxième adaptation du roman éponyme d'Edward Bulwer-Lytton publié en 1834, qui en connaîtra bien d'autres par la suite – sans compter tous ceux qui s'inspirent de l'événement (des téléfilms ambitieux au blockbuster numérique Pompéi). La première (15 minutes réalisées par Luigi Maggi en 1908) sortait également des studios Ambrosio Film et a permis son ascension, tandis qu'une troisième produite par Pasquali Film était en cours (réalisée par Uberdo Maria Del Colle). Quelque puissent être ses qualités, la version d'Ambrosio l'a de toutes façons engloutie.


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Zogarok
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le 24 sept. 2016

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