Le laissez-passer A-38
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le 7 août 2018
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Première histoire originale portée sur grand écran pour la saga Astérix, premier film produit par le studio Idéfix alors que les 2 auteurs et dessinateurs étaient en quête d’indépendance, et donc seul film d’animation Astérix réalisé uniquement par Goscinny et Uderzo, Les 12 Travaux d’Astérix est un film d’animation bien à part de sa franchise à plus d’un titre. Très clairement parmi mes films de chevet durant mon enfance, ça a toujours été un grand plaisir que de le revoir et ça n’a pas manqué pour ce revisionnage en vue d’analyser plus en profondeur ces divins travaux.
Comme son nom l’indique assez bien, le récit reprend donc la mythologie des 12 travaux d’Hercule en version satirique de la culture française, état d’esprit récurrent pour la série, Astérix et Obélix devant réaliser 12 travaux normalement impossibles pour prouver à Jules César qu’il ne peut rien contre eux. Arborant la structure d’un film à sketches, le film est très diversifié à la fois dans ses gags, dans ses décors et dans ses thématiques, tout en profitant de la cohérence minimum de son fil rouge. C’est donc un choix très payant pour le film qui profite d’un rythme soutenu et de beaucoup de contenu pour une durée n’atteignant pas les 1h20.
En essayant d’analyser pourquoi l’humour marchait si bien quand j’étais petit et encore aujourd’hui, je me rends compte qu’il s’agit notamment du décalage constant entre les obstacles normalement terrifiants qui se dressent devant nos héros et le fait qu’ils prennent toujours tout avec une légèreté absolue et déconcertante. C’est aussi la combinaison avec un Caius Pupus parfaitement hilarant dans son attitude blasée à l’extrême devant l’enthousiasme infaillible de nos héros qui fait très bien ce travail de décalage humoristique.
C’est ce qui permet au film de rester très efficace et à la portée des enfants tout en recourant à des visuels bien flippants et audacieux pour un film visant un jeune public. On parle là quand même d’esprits fantomatiques faisant mourir de peur leurs ennemis, de visions cauchemardesques censées faire perdre la raison, de décors jonchés de squelettes… des choses qui peuvent vite être traumatisantes pour des enfants si c’est mal utilisé. L’équilibre est parfait pour commencer à créer le malaise avant de la désamorcer très vite en transformant l’horreur apparente en gag.
Le quatrième mur n’est plus brisé mais pulvérisé dès l’intro et jusqu’à la conclusion, assumant pleinement son statut de film d’animation dans sa voix-off, dans son visuel ou encore dans les propos de son protagoniste. D’ailleurs, le fait d’intégrer à la logique du récit le fait que tout ceci est un dessin animé explique aussi pourquoi Astérix et Obélix semblent aussi décomplexés, ayant conscience que rien ne peut leur arriver et qu’ils sont ici pour s’amuser et nous amuser, la mise en abîme en devient ainsi très pertinente et logique. Parce que ça peut être le genre de chose qui me fait sortir de l’animé sans raison si c’est mal utilisé, j’en apprécie donc beaucoup l’utilisation ici.
L’exercice de cette satire permet de développer des critiques très intelligentes dont certaines deviendront cultes comme le laisser-passer A38 dans la maison des fous vis-à-vis de l’administration française, devenant une référence de la culture populaire, même à l’international. Mais il ne faut pas oublier toutes les critiques qui peuvent être faites plus subtilement comme vis-à-vis de l’écologie avec ses déchets contemporains gâchant le paysage naturel de la forêt en début de film, du féminisme avec la figure très affirmée de Bonemine devant laquelle Abbraracourcix ne peut que s’écraser...
L’aspect crayonné du dessin rappelle les origines de bande dessinée de la saga, même si ces traits peuvent paraître un peu grossiers dans les plans les plus larges même pour l’époque, ce que je ne vais pas tellement reprocher compte-tenu de la faible expérience des réalisateurs à ce poste et de leur manque de moyens. Ainsi, s’ils n’ont pas pu les rendre superbes techniquement, ils ne se sont pas interdits d’offrir des plans sur de vastes paysages ou de grandes foules, certes avec des compromis techniques très voyants (recyclage de personnages dessinés en différentes déclinaisons, dessin très simplistes étalés sur de grandes surfaces…).
La logique est la même pour les autres défauts techniques tels que les animations qui peuvent paraître un peu hachées avec ses 12 images par seconde ou encore peu nombreuses simultanément à l’écran, des animations d’arrière-plan qui peuvent être de très courtes boucles… Si on veut voir ce qui se faisait de mieux sur le plan technique des films d’animation de cette époque, c’est là que le film trouve ses limites les plus notables, et même quasiment ses seules limites à mes yeux. Il ne faudrait pourtant pas en conclure que le film n’a rien réussi sur le plan de sa réalisation pour autant.
En parallèle de ces quelques défauts secondaires et justifiées, le film profite de véritables forces visuelles. Des idées originales jalonnent le montage, telles que l’écran qui se brise en morceaux quand un personnage accélère sa course de façon surnaturelle tout en s’énervant, l’arrivée au premier plan d’un élément visuel pour enchaîner sur la scène suivante démarrant sur le même registre de couleur... Il y a une véritable recherche de mise en scène à certains moments qu’il ne faudrait pas négliger parce qu’on resterait trop focalisé sur les défauts les plus apparents.
Bruitages et musiques peuvent d’ailleurs parfaitement se mêler à l’animation et au ton du récit, comme par exemple quand les bruits de pas s’accordent au rythme de la musique et au trait se dessinant par à-coups pour symboliser la progression des armées de César, pour une ambiance plus anxiogène. C’est parfaitement exécuté et ça tire pleinement parti du support de l’animation, bien loin de la simple transposition dont on pouvait accuser les premiers longs métrages d’Astérix. Les musiques intra-diégétiques sont également assez réussies dans ce même registre.
Varié et efficace dans ses gags quand on est enfant, intelligent et pertinent dans ses références quand on est adulte, audacieux et original qu’importe notre âge, si l’on fait abstraction de ses défauts techniques Les 12 travaux d’Astérix s’inscrit à mon sens comme l’un des meilleurs films d’animation français de son histoire. Sa capacité à exploiter le support du film d’animation en assumant jusque dans son récit ce statut est assez remarquable et le divertissement intemporel qu’il propose pour petits et grands me plaire toujours autant.
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Créée
le 29 oct. 2020
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3 j'aime
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