Cela fait plusieurs mois que Les enfants de la nature m’attire et traine chez moi, je me décide enfin à le regarder, après avoir vu par pur hasard que Bruno Ganz jouait dedans.
« Acclamé » ou plutôt bien reçu dans plusieurs festivals avant « l’apothéose » en 1992 avec la sélection du film dans la catégorie « meilleur film en langue étrangère » aux Oscars, Les enfants de la nature est un film plutôt curieux du réalisateur Islandais Friorik Por Frioriksson.
Ce film, plutôt court, nous montre -avec une subtilité certaine et une justesse assez rare- la vie d’un vieil homme qui retrouve son premier amour dans un hospice. Il se décide alors de fuguer avec elle et de traverser le pays pour revoir une amie, ou juste danser dans un « festival » musical en pleine air, ou tout simplement rouler dans un 4x4 volé avant de retrouver une vieille maison qui semble être la leur…
Pas que le scénario soit couillon, mais j’étais un peu sceptique tout en ne connaissant pour autant pas grand-chose sur le film si ce n’est une certaine réputation sur Cinelounge.
Le film laisse d’emblée assez rêveur, des vieux qui chantent, un héros très âgé qui décide de quitter sa campagne profonde pour retrouver sa fille en ville après avoir tué son chien (scène très surprenante, et crue), des décors magnifiques malgré la qualité assez mauvaise de la vidéo, une utilisation de la musique assez géniale, une musique très belle d’ailleurs, utilisée de telle sorte qu’elle paraît provenir des cieux.
Le premier problème du film vient au bout d’une quinzaine de minute, le vieux se retrouve chez sa fille qui l’envoie dans un hospice. S’en suit, pendant 25-30minutes plus rien, une certaine mélancolie de la vieillesse dans un hospice, mais pas plus que le strict minimum, le tout est presque trop froid, renfermé sur lui-même.
Arrive enfin, après moult ennui je dois l’avouer, le départ, la fugue de ce vieil homme vers une sorte d’inconnue.
Il prend avec lui sa vieille copine, vole un 4x4 miteux, le film en profite pour nous montrer une jeunesse islandaise bourrée qui copule sur des capots de bagnoles, critique, touche humoristique ou simple envie de mettre des sons plus que douteux, quoi qu’il en soit la scène fait son petit effet.
Les 35-40minutes restante vont s’avérer encore plus étrange que la première partie, on ne sait pas trop ou Frioriksson veut en venir, on pense vite au voyage d'une vie, d'une vieillesse, d'une mort, ou un voyage prophétique (oui j'utilise peut être mal ce mot, mais je vois pas trop comment le dire haha) d’un vieil homme, on pense facilement à Tarkovski et ses films teinter de mysticisme mais toujours avec subtilité. On pense aussi à l’humour de Kaurismaki, un peu à la « Au loin s’en vont les nuages » ou même « Juha » par cette quasi absence de dialogues dans la deuxième partie du film. On peut également penser à Angelopoulos pour ce qui est de la lenteur, de la mélancolie et même à Jonas Mekas, oui Mekas, dans la dernière partie j’ai eu l’impression de voir plusieurs scènes pouvant faire penser à l’idée même de "As i was moving…".
Bref au-delà de toutes ces références le film se suffit quand même à lui-même, et aventure le spectateur dans une ambiance froide, crépusculaire, ou nos deux héros vont croiser des êtres fantomatiques, qui hantent l’Island profonde, l’un d’eux est même décrit tel quel, comme un simple fantôme, une femme nue dans la brume…
Le film s’envole dans ces 20dernières minutes, entre une magnifique scène de souvenir (me faisant personnellement pensée à Mekas) et un final, qui arrive à la suite d’un caméo d’1minute30 de Bruno Ganz, est absolument bluffant.
Frioriksson joue avec les sens, l’émotion et la musique comme rarement au cinéma, c’est beau, touchant et enivrant et la fin, malgré un certain nombre de mystère, est très belle.
Ce film cherche à montrer une forme de liberté qu’un vieil homme cherche à recouvrir auprès d’un être cher, ou seul par la suite. Le film est teinté d’un certain mysticisme, proche de la religion, mais le tout avec une subtilité notable et une humilité rare pour un sujet pourtant trop rarement mis en avant au cinéma, à peine esquissé par moment, l’un des rares films traitant à merveille de la vieillesse c’est Images du vieux monde de Dusan Hanak.
Au final le film me déçoit un peu vu ce que je pouvais en attendre, et cela est du à la partie dans l’hospice que je trouve clairement lourde et chiante, mais au-delà de ça on a une œuvre sincèrement onirique et magnifique, ou la musique, discrète mais très présente, s’accommode à merveille avec des images simples et belles le tout mené par un jeu d’acteur très convaincant.
Et puis bon, un film qui m’émeut à ce point dans son dernier tiers, ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé, du coup je lui pardonne certaines longueurs. J’espère juste qu’il ne va pas s’évaporer trop vite de mes pensés avec le temps à l’image de ce vieil homme.