De façon assez amusante, le dernier né du MCU est sans doute l’un des films les plus singuliers de la franchise, tout en étant celui recevant les plus mauvaises critiques presses et des retours des plus mitigés des spectateurs ; alors qu’au bout du compte, il s’inscrit dans la lignée moyenne, à l’image de films comme les Gardiens de la Galaxie, les Spider-man, ou Thor Ragnarök. En résumé : non, le film n’est pas le plus mauvais de la franchise (sérieux les gens ?), ni le meilleur ; il est dans le ventre mou et rejoins donc ces films dans l’ensemble sympas, bien foutus, mais pour lesquels j’ai du mal à vraiment m’enthousiasmer.
On nous avait prévenu dès le départ, et le choix de Chloé Zhao à la réalisation n’était pas anodin : le film se démarque de ses confrères par de nombreux aspects. Et je pense que c’est à la fois ce qui constitue sa force et son intérêt, mais aussi sans doute à l’origine de ses points faibles. Un film un peu paradoxal donc ou, plus exactement et pour parler plus crument, qui a le cul coincé entre deux chaises. Car sans conteste possible, Les Éternels est un drame familial, on y retrouve tous les ingrédients : une famille soudée qui se retrouve éclatée, qui tente de se retrouver et renouer les liens, mais en vient à devoir surmonter les faiblesses de chacun. C’est le cœur du film et cela lui donne une touche, au final, beaucoup plus humaine que ses confrères. On ressent aussi cet aspect dans la sensibilité qui imprègne le film de bienveillance et d’empathie, et je pense que là aussi, ce n’est pas indissociable de Zhao.
Que ce soit sur des questions comme la représentativité, comment celle-ci est traitée, montrée, appliquée sur différents niveaux plus ou moins subtils, la famille donc, mais aussi l’amour de son prochain ; le film se ressent comme une œuvre très personnelle, intimiste. On nous annonçait que le film ouvrirait le pan cosmique du MCU, et c’est vrai, tout prend une toute nouvelle échelle avec les Célestes ou les Éternels donc, dotés de pouvoir hors du commun. Et pourtant, on se retrouve avec des personnages extrêmement humains dans leurs forces et leurs faiblesses, mais surtout, des personnages en fin de compte très proches des humains eux-mêmes, ce qui en deviendra leur motivation centrale. Et cela amène à quelques scènes vraiment très intéressantes, notamment celle avant la bataille finale où chacun prend position. Du point de vue drame familial, c’est une scène très forte, très puissante.
Ce que j’entends par-là, c’est qu’on a souvent qualifié les personnages de Marvel comme des humains cherchant à être des dieux par leurs pouvoirs. Pourtant, on les voit rarement interagir avec les humains lambda, on reste souvent limité à l’entourage proche des personnages en question. Or là, et notamment par l’intermédiaire de Sersi, on a des dieux qui interagissent avec les mortels, qui les couvent d’une certaine empathie et d’un amour véritable qui leur tient à cœur. La même chose peut être dit d’Ajak, qui voit ses convictions ébranlées, de Phastos qui sera déçu mais ne perdra pas espoir, de Kingo qui passe son temps à les divertir, ou bien de Druig qui, dans un sens, y tient tellement qu’il refuse de voir les humains s’entretuer sans rien faire. C’est quelque chose qu’on n’avait pas vraiment vu jusqu’à présent et j’ai beaucoup aimé.
Après, comme je le disais, cette approche est aussi à l’origine des points faibles du film, qui sont tous plu sou moins paradoxal. Le premier, c’est la longueur du film : pour la première fois depuis un moment, il y a des moments où je me suis ennuyé devant un film Marvel, notamment avec ce faux-rythme avec des longueurs ou ces flash-back parfois pas forcément bien géré. Et pourtant, on a l’impression que le film reste très superficiel sur ses personnages, sur leurs motivations, leurs conflits, leurs prémices (en-dehors peut-être de Sersi et Ikaris), et que les scènes d’actions sont expédiées, balancées aux spectateurices sans vraiment se préoccuper si c’est le bon moment ou pas. Ce qui m’amène à la première constatation que l’intrigue aurait dû être présentée sous le format d’une mini-série à l’image de WandaVision, et où je pense qu’elle aurait eu tout le loisir d’explorer et de développer ses idées. Mais bon, j’imagine que le projet était déjà bien lancé avant que Disney+ ne se concrétise.
Le deuxième point, c’est l’intégration du film dans le MCU. Alors non pas au niveau de la chronologie ou des possibles incohérences avec les autres films ; je parle plutôt de la formule MCU, à savoir un film d’action avec des super-héros affrontant des menaces cosmiques. Et c’est là où le film a un peu le cul entre deux chaises, parce qu’on a d’un côté une intrigue très personnel et intimiste, comme je le disais, mais on sent par moment la nécessité d’insérer le cahier des charges du MCU. Et ça coince un peu. Ça coince, parce que ça ajoute un côté superflu et superficiel à l’intrigue, ça tombe très souvent à plat, ça ne réussit pas si bien à se connecter avec le côté plus personnel du film, et ça apporte surtout des éléments prévisibles ou inutiles, voire décevants. Les enjeux du film n’interviennent que très tard dans l’intrigue, pratiquement à la moitié, et à aucun moment on n’arrive vraiment à en apprécier le poids, parce que tout s’enchaîne assez vite sans forcément surprendre
(on a grillé assez vite que ce n’est pas un Déviant qui a tué Ajak et qu’Ikaris n’est pas tout à fait net).
Il manque le poids de la menace. L’autre exemple, ce sont les Déviants justement,
présentés comme la menace centrale, la prémices, les enjeux ; tout ça pour au final n’être qu’un McGuffin avec lequel on ne sait pas vraiment conclure, qui devient très vite secondaire, et qui donc semble être là pour satisfaire les lecteurices de comics pour le respect de l’œuvre originale.
Du coup, on perd une moitié du film, si ce n’est plus, pour installer une tension qui n’abouti pas et les réels enjeux ne parviennent pas à vraiment résonner en nous, alors même que le cœur du film est la connexion des personnages avec la Terre et les humains. Peut-être aurait-il fallu se démarquer complètement de cette formule pour partir sur quelques chose qui reste dans le cadre du drame familial, et pourquoi pas garder le reste pour plus tard. Mais là encore, le format d’une mini-série aurait sans doute mieux convenu, afin de développer tous les éléments et ne pas se contenter de gratter la surface. Pour le coup, ça me fait un peu penser à Raya et le dernier dragon, un film et un univers qui a beaucoup (trop) à dire, se disperse beaucoup (trop) sans avoir le temps, au bout du compte, d’approfondir. C’est dommage, parce qu’il y avait un bon potentiel, l’humour fonctionne plutôt bien (dont les deux petits clins d’œil au meilleur univers de comicbooks, mais n’oublions pas Karun, s’il vous plait !) et la façon d’aborder les personnages et leurs pouvoirs étaient plutôt intéressante.
Concernant le casting, on a droit à du cinq étoiles, mais ça reste dans l’ensemble correct sans plus. C’est-à-dire que chaque acteurice fait son taff sans parvenir vraiment à briller. Gemma Chan sera peut-être celle qui restera le plus, mais parce que son personnage a aussi plus de temps pour s’exprimer. Richard Madden et Barry Keoghan m’ont laissé plutôt insensible, Kumail Nanjiani, Brian Tyree Henry, Lauren Ridloff et Ma Dong-seok apportent chacun quelque chose, mais ça reste assez générique. Lia McHugh dégage pas mal d’émotions et de prestance pour quelqu’un de son âge. Quant à Angelina Jolie, Salma Hayek et Kit Harington, on se demande parfois ce qu’iels font là. Bon, à la limite, Harish Patel nous fera bien rire.
Sur le plan technique, pas grand-chose à redire, car on retrouve bien l’enveloppe des films Marvel. Intéressant de revoir Ramin Djawadi revenir aux commandes de la BO, lui qui avait lancé le MCU avec Iron Man à l’époque, et nous proposer une musique plutôt sympa. La bande son ne fonctionnera pas toujours, mais fera son office. Niveau décors et effets spéciaux, c’est toujours au rendez-vous, même si du coup ça ne se démarquera pas forcément en dehors pour donner la notion d’échelle des Célestes. Pour la mise en scène, on sent que Chloé Zhao a voulu mettre sa patte en donnant ainsi la dimension plus humaine et intimiste sur les plans rapprochés, mais du coup on se retrouve avec cette déconnection lors des scènes d’action, beaucoup plus classiques et génériques.
Bref, peut-être une légère déception pour ma part, parce que Les Éternels était clairement l’un des films de cette nouvelle phase que j’attendais le plus, et je dois admettre que je reste un peu sur ma faim. Ça reste dans l’ensemble plutôt sympa et me demande bien ce que les scènes post-générique nous réservent pour la suite (même si la première s’étale un peu trop).