J’aime les films de prison. Ce que j’aime c’est ce sentiment assez paradoxal de liberté qui transpire souvent de ces récits. Les petites choses, les petits trésors qui rappellent de façon aussi évidente qu’indiscutablement vrai que cette liberté si chère à l’homme réside finalement plus au centre de son esprit et de ses aspirations qu’à l’emplacement physique qu’il occupe.

Ce que j’aime dans le genre de film carcéral auquel je fais allusion c’est le foisonnement de petites touches d’espoir et de fulgurances existentielles —voire philosophiques qui le parsèment et en font un objet finalement optimiste et humaniste.

Là je pense à des films comme Luke la main froide, Papillon ou même Haute sécurité avec Stallone (ben ouais). Je pense à des films où l’Homme est replacé au centre de l’histoire avec ses erreurs, ses faiblesses, ses bas instincts, mais surtout avec ses rêves, ses espoirs, son désir de rédemption, celui de tisser des liens —d’intérêt d’abord puis d’amitiés.

Et puis les films de détention ce sont avant tout des histoires de survie. Et j’aime le survival, qu’il soit physique ou psychologique. J’aime l’idée qu’un personnage évolue, s’adapte, change, surprenne et finalement appuie sur la bonne note émotionnelle, qu’il fasse fi d’un environnement hostile au corps et à l’esprit ; composante inhérente au genre carcéral.

On peut reprocher beaucoup de choses au premier film de Darabont : une voix off parfois irritante qui souffre de ses propres bonnes intentions, avoir remplacé un personnage roux irlandais par un acteur noir (ironiquement appelé Freeman), une réalisation finalement loin de sublimer les aspirations de son récit, et quelques raccourcis un peu grossiers.

Heureusement, Shawshank Redemption se rattrape sur l’écriture, bien aidé par un matériau d’origine provenant d’un écrivain qui aime et soigne ses personnages. King, quoi qu’on en dise des fois, possède une aptitude remarquable pour donner de la substance à ses protagonistes ; il les rempli de failles, de démons, d’humanité en somme. Et j’aime les pourritures qu’il place en guise d’antagonistes. Au milieu de tout se foutoir figurent souvent les restes d’une humanité qu’il faudra finir de consommer, pour le meilleur ou pour le pire.

C’est une chose que l’adaptation de Darabont arrive bien à retranscrire, aidé par une interprétation d’ensemble qui fait mouche. Tim Robbins prète son visage poupin et froid à un personnage malin, ambigu et finalement généreux sous une carapace froide et calculatrice. J’aime beaucoup le Robbins de cette période, celle juste après Jacob’s Ladder. Freeman ne se prend pas encore pour dieu —une voix de garage, mais fait profiter au film de son capital sympathie alors indéniable ; la relation d’amitié que son personnage tisse avec celui de Robbins s’en trouvera d’ailleurs plus chaleureuse et crédible. Gunton fait office de salopard de compétition, bien épaulé par un Clancy Brown décidément toujours aussi parfait dans le rôle de l’ordure humaine de service. On retrouve même le colonel Stuart de Die Hard 2 dans un rôle un peu crétin mais ayant le mérite de le voir apparaître du côté des braves gars. Bon y a Belows qui fait du Belows, c’est à dire pas grand chose.

On retrouve tous les codes du genre, au personnage près, ponctués d’instants d’évasion spirituelles (la bière sur le toit, la bibliothèque, Mozart…) qui touchent et parlent au spectateur avec une efficacité simple et bien amenée. Darabont aime ses personnages et cela se ressent par une espèce de tendresse implicite sur les plans qui leur sont dédiés.

Mais je crois que ce que j’aime le plus dans SR c’est ce personnage principal sur qui on ne parierait pas une clopinette, taciturne et réservé, qui cache une sensibilité toute en retenue et une soif de liberté sans borne, justifiée et rempli d’un optimisme déterminé. Un personnage malin qui rira le dernier comme je les aime.

Comme quoi le violon peut donner le barreau.

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le 12 févr. 2013

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