Passer de 8 minutes quotidiennes à long-métrage d'une heure, rude tâche pour les marionnettes qui nous parodient le journal télévisé depuis déjà 25 ans. L'humour des Guignols s'étiolera t-il, ou bien donnera t-il sa pleine mesure ? Et bien, voyons ça.
Bon, déjà il va falloir que les plus anciens fassent un effort de mémoire et que les plus jeunes découvrent un peu le gouvernement de l’époque. On était en pleine cohabitation droite/gauche, Chirac président, Jospin premier ministre. A gauche outre Jospin on retrouve DSK, Aubry, Voynet, Rocard, Hue et quelques autres. Hollande est absent, sa marionnette ne sera créée que quelques temps plus tard, pour les Européennes en 1999. A droite outre Chirac il y a Balladur, Sarkozy, Seguin, Pasqua, Bayrou, Madelin, François « neuneu » Léotard, De Villiers, entre autres. Juppé est absent, dommage car lorsqu’il était premier ministre de 1995 à 1997, le complexe de supériorité de son personnage avait donné quelques-uns des meilleurs sketchs de l’émission.
L'intrigue est simple : Les rues de Paris sont désespérément vides. Personne, pas un chat. Les « vrais » gens ont disparu, personne au téléphone, à son travail, ce qui bien sûr provoque l’inquiétude des ministres réunis à Matignon. Et quand on voit la vitesse avec laquelle les esprits s’échauffent, on sent que ça ne va pas être triste. En désespoir de cause, les socialistes appellent les dirigeants de droite qui les rejoignent à Matignon, et voici les deux clans qui cohabitent dans Matignon avec toujours cette question « Où sont les gens ? ». A peu de choses près, c'est un huis-clos qui démarre.
Chacun à sa manière de réagir : Certains deviennent philosophiques, d’autres s’énervent, se lamentent ou s’accommodent bien de la situation (mais personne ne s'inquiète de sa famille). En bref pour tout spectateur qui connait déjà l’émission et s’est bien habitué aux personnalités des marionnettes, c’est un plaisir de voir ces différentes personnalités dans cette situation de cohabitation au sens propre du terme, la désorientation en plus, presque toujours mesquins en tout cas. Les mini-sketchs de ce genre se multiplient, de même que les rapides dialogues entre deux personnalités qu’on n’a pas forcément l’habitude de voir interagir. Ainsi, dans l’ensemble le rythme est assez rapide. La journée passe, l’occasion de les découvrir devant la télé, dans la cuisine à se faire à manger comme le français moyen.
Techniquement, il faut applaudir le boulot réalisé. Un court métrage de 2 minutes prend des heures voire des jours de tournage à l’équipe selon sa complexité, alors un long-métrage dans lequel on a régulièrement une quinzaine de personnages dans le même plan, ça a du être compliqué. Sinon, je note que question musique, la production s’est fournie ailleurs. Après tout, Canal+ a des billes dans le cinéma donc ça a du faciliter les choses : Ce sont des anciennes compositions de Vladimir Cosma.
Du côté des défauts, car il y en a quelques-uns : Michel Rocard à la fâcheuse manie de casser le rythme. Car c’est le seul qui sort, bien décidé à éclaircir ce mystère. Ses passages où il marche dans Paris et essaie d’entrer dans les immeubles à la recherche de monde sont un peu trop lents. Ensuite, si le film est drôle, il est loin d’être hilarant. C’est un long-métrage ambitieux, donc ils auraient pu y aller encore plus franco. Et peut-être le plus manifeste des défauts : La fin très faible, l’explication sur l’absence des gens n’est pas très recherchée. Ça ne gâche pas le plaisir mais j’ai eu envie de dire « c’est tout ? » et il ne faut pas chercher bien loin pour trouver de nombreuses failles dans cette explication.
Au final, « La fiction » n’est pas parfait, mais si comme moi vous aimez Les guignols de l’info et connaissez un minimum les personnalités caricaturées, vous n’aurez sans doute pas de problème à l’apprécier. De plus étant donné qu’il ne dure qu'une heure c'est loin d'être interminable, il mérite donc d’être vu au moins une fois.