Je vais être honnête, je n'attendais ce film que pour une seule raison: Gary Oldman... Gary "fucking" Oldman en Churchill !
Le film aurait pu avoir l'air du plus plat, consensuel et racoleur des biopics, je serais quand même allé le voir. Coup de bol, c'était un bon film.
Je n'avais rien vu de Joe Wright auparavant et cette première rencontre fut fort concluante.
Car le réalisateur est assez habile pour éviter le piège du "réalisme et classicisme à tout prix", grâce à une mise en scène très théâtrale, parfois légèrement maladroite, mais assumée.
Les clairs obscurs léchés sont du plus bel effet et transforment les séances de la Chambre des Lords en des sortes de cérémonies mystiques et angoissantes. Focales courtes sur les visages, cadres claustrophobiques, les politiciens anglais sont ici une masse grouillante et inquiétante, bruyante et sauvage, témoins du chaos de l'avant-guerre.
Cette volonté de chroniquer une époque à travers une mise en scène stylisée se retrouve également dans les scènes où Churchill, assis à l'arrière de sa voiture de fonction, regarde par la vitre s'agiter (au ralenti) ses concitoyens, progressivement gagnés par la panique.
De manière plus générale, le teint grisâtre de la photographie suggère le pessimisme, l'orage qui se prépare, et la déprime du protagoniste principal, campé par un Gary Oldman méconnaissable.
Et puisque l'on parle du casting, il est impeccable. Les rôles secondaires sont tous très justes, avec une mention spéciale à Kristin Scott Thomas qui brille (une fois de plus) dans la peau de l'épouse de notre cher Winston.
Pour ce qui est du Prime Minister himself, j'ai mis un moment à réellement entrevoir Churchill derrière le maquillage et les prothèses de Oldman. Peut-être aurait-ce été différent si je n'avais pas su que le génie du déguisement tenait le rôle titre... Une fois que "Les heures sombres" atteint son rythme de croisière, plus de doute possible: le spectateur EST face à Winston Churchill.
Ses moindres répliques, mimiques, postures, sont habitées, peut-être un peu trop parfois. Dans cette pièce de théâtre montée par Wright, Churchill est à la fois bouffon, héros, loser magnifique... Il occupe tout l'espace, au risque de lasser, par moments.
Car s'il y a bien quelque chose à reprocher aux "heures sombres", c'est son caractère un peu répétitif. Churchill peine à s'imposer face au reste du conseil de guerre, doit faire face à ses adversaires politiques, gagner la confiance du Roi... Le tout n'est pas déplaisant à suivre, loin de là, mais la résolution des difficultés réside souvent dans le talent inné de Churchill qui, tel un héros à l'aura infinie, continue d'avancer malgré tous les obstacles.
L'autre versant de cette prépondérance du personnage principal, de cette quasi-divinisation de sa quête, c'est les risques de tomber dans la démagogie. Là encore, le film n'échappe pas à cet écueil avec une scène dans le métro londonien qui, si elle est sans doute avérée, a de quoi faire tiquer le spectateur.
Malgré cela, "Les heures sombres" de Joe Wright est un bon film qui a su prendre ses distances avec les biopics dits "classiques", au risque de nous proposer une vision de Churchill parfois un peu trop romanesque, mais qui ne manque ni de profondeur, ni de charme.