Dernier film de Joe Wright, "les Heures Sombres" retrace les balbutiements de Winston Churchill en tant que premier ministre britannique.
Avec cette énième film sur une figure marquante de la Seconde Guerre Mondiale, on pourrait croire à la mise en image d'une page Wikipédia: bien écrite mais sans saveur, sans style.
Mais ça serait mal juger "les Heures Sombres".
"Darkest Hour", en langue originale, c'est tout d'abord une performance d'acteur. Gary Oldman, impérial, ne se repose pas sur son impressionnant maquillage et nous permet de saisir son personnage dès les premières secondes du film. Même mimiques, même accent, même démarche. Une copie? Pas tout à fait. Les nombreuses scènes en "backstage", loin des journalistes et des discours publiques, permettent à l'acteur une certaine liberté dans son jeu, sublimé par de longs et impressionnants gros plans. Les attributs légendaires du Vieux Lion, comme le fameux V de la victoire, sont quant à eux démystifiés, tournés en dérision, interrogés.
Les Heures Sombres, c'est également l'histoire d'un homme dont personne ne veut. Winston Churchill, constamment associé à ses plus grandes faiblesses physiques (alcool, cigare), est également montré comme colérique, têtu, et malpoli envers son entourage. Il n'a pas l'étoffe d'un premier ministre, et les personnages de Halifax ou Georges V sont là pour le rappeler. Mais pourtant... Face à la solitude (on peut citer les scènes où le Vieux Lion se retrouve dans son ascenseur, enfermé, entouré de noir, sans soutien) et aux terreurs de la guerre (les sacrifices en valent-ils la peine?), Churchill n'abandonne pas.
Il va chercher les réponses en lui-même, puis chez son roi, et finalement chez son peuple, dans une scènes très touchante et pleine d'humanité.
Et sa force de conviction trouve son apogée dans un final flamboyant, peut-être un peu trop prévisible.
Le cœur du film réside également dans son ambiance de défaite. La machine nazie est inarrêtable. Chaque espoir d'un jour est balayé le lendemain, les pertes humaines sont énormes et on parle de reddition à chaque instant. L'avancé inexorable est traduite dans ces jours qui défilent devant nos yeux, grossiers, sévères et lourds, en grande police blanche. La menace allemande n'est jamais humainement montrée: ce sont des voix à la radio, des masques, des avions sans pitié, des fulgurances militaires quasi-monstrueuses. La peur est bien présente. Montrer le moins pour évoquer le plus.
Pourtant, malgré l'angoisse et le pessimisme ambiant, Churchill lève la voix. Pas de reddition.
Cet état d'esprit trouve tout son sens dans un bref monologue à l'égard d'Hitler, en réaction à une photo du dictateur dans les journaux : le Britannique le traite de tous les noms, en marmonnant, s'énervant de plus en plus. Cette guerre, ce n'est plus une affaire de survie ou de privilèges, mais l’écrasement de la tyrannie et du "peintre en bâtiment" qui la porte.
Ne sombrant dans les écueils du biopic documentaire classique, les Heures Sombres nous offre un homme plongé dans l'incertitude et torturé par des choix insolubles, au sein d'une ambiance anxiogène, défaitiste, sans espoir. Ces deux aspects se complètent et s'entremêlent, offrant ainsi un film profond, généreux et exploitant toutes les facettes de son vaste sujet.
Une réussite.