Richard Fleischer est un réalisateur qui a tâté de beaucoup de genres peplum, polar, SF, Fantasy, western, guerre. Une de ses caractéristiques, c'est justement de n'en avoir aucune. C'est le bon façonnier dont on ne dira jamais "c'est génial" mais dont on ne dira pas non plus "c'est nul". En revanche, personnellement, quand je vois le nom de Fleischer au générique, j'ai pratiquement la garantie de passer un bon moment.

"Les inconnus dans la ville" ne dérogent pas à la règle ci-dessus. L'histoire est apparemment simple, un peu mélodramatique, met en scène les habitants d'une ville qui vont être confrontés à des gangsters. Mais lorsque la caméra s'attarde sur certains habitants de la ville, on découvre que les gens ne sont pas si lisses et présentent tous de nombreuses failles ou faiblesses.

Le scénario est bâti autour des préparatifs et de l'exécution d'un hold-up par des gens étrangers à la petite ville. Mais tous les personnages, les habitants de la petite ville et les gangsters, ne vont cesser de se croiser que ce soit dans la rue ou dans les lieux publics comme les restaurants et la banque. Je dis qu'ils ne vont cesser de se croiser mais se rencontreront pas sauf au moment critique. Ça donne une impression de naturel et de vie ordinaire très réussie. Je pense d'ailleurs que pour profiter de ce que je viens de dire, il est indispensable d'avoir vu le film plusieurs fois. Par exemple, lorsqu'un des gangsters manque de se faire renverser par une femme au volant d'une voiture au début, on ne se rend pas compte au premier visionnage que la femme sera une des héroïnes du film. C'est peut-être une des forces de ce film de laisser le spectateur mariner dans la vie routinière de la ville entre petites histoires et petits secrets puis de le surprendre lorsque les gangsters passent à l'action. C'est la description de la vraie vie : tout va bien jusqu'au moment où tout va mal…

Le scénariste est Sidney Boehm qui a déjà signé plusieurs très bons scénarios comme celui de "Règlement de comptes" de Fritz Lang.

La conclusion du film est intéressante car elle porte sa part d'amertume. Bien sûr, le casse échoue et les gangsters finissent avec "un extrême préjudice". Mais la vie des habitants de la ville va s'en trouver bouleversée. Plus rien ne sera comme avant. Et surtout, plusieurs habitants devront s'avouer que pour vaincre le "mal", il leur aura fallu laisser de côté certains principes de vie ou abandonner certains espoirs.

Côté casting,

Victor Mature ne fait pas jouer ses muscles mais tient le rôle d'un chef à l'usine dont la vie est heureuse, enfin apparemment heureuse s'il n'y avait pas son fils, déçu et vexé, auprès de ses petits copains, par son père qui n'a pas quitté l'usine pendant la guerre et n'a pu être le héros sur un champ de bataille. C'est l'archétype de l'homme honnête, pacifique et fiable.

Ernest Borgnine joue ici un rôle à contre-emploi de chef de famille Amish ! Il fait justement partie de ceux qui devront renoncer à leurs principes de vie et de non-violence.

Stephen McNally, habituel second rôle de divers westerns (Winchester 73) ou de polars, joue ici le rôle du chef de gang.

Mais c'est Lee Marvin qui tient le rôle du vrai méchant caractériel notamment dans la scène où, bousculé par un gamin, il va méchamment, lui écraser la main…

La réalisation de Fleischer est très réussie que ce soit dans la mise en scène des personnages ou dans la présentation de la vie de la ville ou la scène du hold-up. L'utilisation du scope avec un technicolor très réaliste souligne les contrastes entre les diverses scènes.

Très bon film noir.

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