Dans l’industrie du divertissement, tout va toujours très vite, et s’il est un adage qu’on respecte au sein des grands studios, c’est bien qu’il faut battre le fer tant qu’il est chaud. Les suites s’enchainent jusqu’à essorage et écœurement du public.
Contre-exemple flamboyant, Les Indestructibles voit sortir sa suite 14 ans après l’original. Et, comble de l’audace, on croirait que les deux ont été créés en même temps et scindés en deux parties.
D’où l’agréable sensation de retrouvailles avec un ami perdu de vue qu’on jurerait avoir quitté la veille. Cuivres tonitruants, ligne outrée digne des comics, action et humour : le cocktail est ressorti du frais et sa saveur est intacte. On retrouve ce plaisir dans la démesure, une esthétique très 60’s avec une nouvelle fois la part belle faite aux architectures (la villa à plans d’eau variables, New Urban, terrain de jeu infini d’une Elastigirl très Spider Woman) un sens du rythme parvenant à relever le défi de s’étirer sur 120 minutes.
L’intrigue met certes un peu de temps à se mettre en place et ses twists ne sont guère surprenants. La question de la perception évoquée par le nouvel employeur de la mère de famille est un élément assez excitant : proposer au grand public l’omniscience pour qu’il puisse constater la noblesse de la tâche des super héros, sous forme d’une sorte de télé réalité ambivalente (entre la surveillance Big Brother, et l’avidité malsaine des producteurs désireux d’une criminalité à porter à l’écran) est une idée qui méritait d’être creusée d’avantage.
Mais le film a d’autres priorités, moins complexes, mais plutôt nobles : un questionnement sur la place du mari et de la femme, dans une inversion des rôles (Papa tient la maison, Maman travaille) qui, si elle n’a rien de révolutionnaire en termes d’écriture, tient bien ses promesses sur le terrain de la comédie. On pourra regretter de voir Flèche relégué à l’arrière-plan, mais la crise d’ado de Violette fonctionne parfaitement, et permet à la famille de se voir doter d’une épaisseur qu’on n’avait pas retrouvée depuis Vice-Versa. Cette capacité à incarner les personnages est vraiment l’une des grands qualités des films Pixar, qui, sans jamais oublier l’action ou la comédie, épaissit son récit d’une véritable tendresse pour ses personnages.
Quant au bébé Jack-Jack, il est l’occasion de faire lorgner bon nombre de séquence du côté de Tex Avery, la découverte aléatoire et profuse de ses pouvoirs dégénérant dans des séquences en roue libre, notamment lors d’un superbe corps à corps avec un raton-laveur.
Un seul signe de surenchère, le fait de convoquer une nouvel team de super : les effets sont dilués, et les emprunts trop manifestes (avec Vortex, par exemple, qui renvoie à des séquences entières des X-men), alors que la famille se suffisait à elle-même.
Car le plaisir provoqué par le film tient en un secret d’une rare évidence : en donnant la part belle aux enfants, qui iront secourir leurs parents, et au nourrisson qui découvre dans un éclat de rire son potentiel, on met l’émerveillement et l’enthousiasme au premier plan.
Rien n’a changé, et le film est donc tout sauf original. Mais parvenir, sur ce terrain, à autant divertir est le signe d’un indéniable talent.