Tout ça est amusant ; sauf qu’il faut être honnête. C’est un divertissement appréciable pour sa fureur potache ; et son sans-gêne pardonne sa médiocrité (bien qu’il y participe). Seulement que le film ait été autant promu par les médias, une large partie de la presse, des auteurs comme Kassovitz (flatté par les déférences à son œuvre) et des institutions comme les Césars, prouve bien que le cinéma de la banlieue française est adulé lorsqu’il est gras et se complaît dans la représentation la plus beauf et minable de ses habitants. Que cette parade émane de banlieusards nés, sans aucun recul de surcroît, est une aubaine : Les Kaira est le parfait moyen de figurer une banlieue exécrable, donc de valider les préjugés, tout en jouant de la franchise des auteurs. C’est le prix du partage de leur tendresse : que leur misère, sexuelle, morale, intellectuelle, sociale, soit bien assumée au grand jour. Accessoirement, la vacuité, l’inanité spirituelle, l’absence d’existence intérieure, sont collées sans réserve aux catégories recouvertes par les participants ; et si elles trouvent grâce aux yeux du spectateur, elles en sortent amoindries, infantilisées. C’est la séduction par le bas, l’intégration par la concordance des tares et des trivialités exacerbées.
Un film-lapsus par des assujettis malgré eux aux clichés mesquins
Car il faut comprendre qu’un détracteur désireux de brosser le portrait à charges le plus passionné, assassin, corsé et subjectif de leur cas ferait ce film. Il ne faut pas s’y tromper ; cela ne relève pas de la « haine de soi », mais d’une soumission profonde à l’environnement et aux codes de la société, ou plutôt ceux qu’elle a abandonné là. Les membres du trio sont trop inconscients pour avoir du recul sur l’imaginaire sociétal et dissocier leur propre adhésion. Par ailleurs, composer selon les clichés ambulants est le seul motif consistant de leur existence, tandis que le rapport au monde est plus strictement utilitariste et émotionnel (bouffer, bomber le torse, jouer aux caïds, dormir, parler de sexe).
(...)