Il y a une indéniable volonté de bien faire, une force de proposition féroce dans Les maudits, le film d’un cinéaste amoureux de la technique et de l'histoire. Mais il souffre d’un certain manque de liant entre forme et fond : les dialogues sont souvent maniérés, les acteurs sont très statiques, presque théâtraux et la narration du film fait un peu scolaire.


Les personnages mis en scène sont tous très fortement typés, chacun a son petit rôle bien défini. Du salopard très vilain au pauvre médecin qui n’a rien à se reprocher, en passant par l’arriviste collaborateur et le général amorphe, les portraits sont certes intéressants, mais manquent de nuance. C’est dommageable pour l’ensemble puisque c’est cette galerie de personnalités qui fait tout le sel des maudits. L'état des lieux de la fin d’une guerre peu glorieux, lors duquel les acteurs qui ont contribué à de nombreux massacres se retrouvent placés face à leur conscience, et surtout à leur futur proche. Un avenir punitif qui suscite différentes réactions, entre fuite et courage —folie ?— d’assumer ses actes, les plus barbares soient-ils.


Pour autant, René Clément s’implique fortement dans son film, usant de décors qu’il fait lui-même construire. Pour imprimer sur bobine les plans qu’il a en tête, l’homme va jusqu’à reconstituer la réplique d’un sous-marin en studio pour pouvoir s’y mouvoir comme il l’entend. Si l’ambition est remarquable, l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous. Il y a bien certaines séquences qui font leur petit effet (l’arrivée du toubib bagnard en enfer, lorsque ce dernier traverse toutes les salles) mais bien souvent le potentiel du contexte ne semble pas exploité. Quid de ce sentiment de claustrophobie que l’on ne ressent jamais vraiment, à l’image des nombreux repas qui ponctuent le voyage qui sonnent davantage comme des moments confortables que des rassemblements routiniers rendus oppressants par un salon exigu.


Au final, Les maudits m’a un peu déçu. S’il m’a pleinement impressionné sur la forme (cette caméra en plongée entre les sacs de café, le meurtre du commerçant qui se conclut sur une tringle à rideau qui se décompose…), je lui ai trouvé quelques défauts assez embêtants : son rythme maladroit qui ne tient pas sur 1h30 d’une part, et ses acteurs, d’autre part, qui semblent un peu perdus lorsqu’ils doivent s’impliquer plus personnellement entre deux récitations de dialogues fleuris pas toujours de circonstance.

oso
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le 17 mai 2015

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