Je suis fasciné par les motu, les atoll et les îles pour une tonne de raisons en dehors de tout fantasme de carte postale. Les îles disent beaucoup sur nous-mêmes, je trouve.*

C'est donc avec un grand plaisir et un grand intérêt que j'ai suivi ce documentaire.

J'ai bien conscience que la souveraineté de Clipperton est d'un vide sidéral (l'accord de 1909 est à ce titre très intéressant http://untreaty.un.org/cod/riaa/cases/vol_II/1105-1111.pdf ), que l'exploitation de la ZEE va poser problème dans quelques décennies, que cette expédition a été monté pour ré-affirmer l'engagement de la France envers cette île (et surtout sur ce qu'elle va pouvoir rapporter !!), tout ça sous "le haut patronage de monsieur le Président de la République" Jacques Chirac... Alors Jean-Louis Etienne, en bon soldat de la propagande, convie une équipe éclectique de spécialistes et même ses petits-enfants. En effet, cela promet une bonne fausse idée que d'apporter tous les degrés de la civilisation le temps de 4 minuscules mois.

Mais le documentaire patine bizarrement passé les vingt premières minutes et perd en densité. Alors, de deux choses l'une, cela en fait un documentaire léger... Et il évite la lourdeur... Sauf que j'aurais désiré quelque chose de moins divertissant car cet atoll est une ressource qui suscite beaucoup d'intérêts et de richesses. C'est aussi un point de repère pour l'humanité. Alors quitte à y passer tous les dix ans (quoique de plus en plus visitée comme par enchantement !) autant en faire quelque chose de sobre (et non quelque chose qui passe sans arrêt de la chaîne "Planète" à la chaîne "Gulli"). Pire, à certains moments, j'ai pensé aux pérégrinations - et non aux élucubrations - d'Antoine... qui lui aussi à une époque considérait qu'un Atol pouvait rapporter gros (juste un demi-million d'euros).

Oui, en tant que rare spectateur de cette terre particulière, j'étais en droit d'attendre autre chose de cette expédition financée par... Gaz de France, Unilever-Fabergé (Lipton, Amora, Knorr, Skip, Fruit d’Or, Sun, Maille, Signal, Carte d’Or, Dove, etc.), Canal +, France Info, Air Liquide, EADS, Apple, Eco-Emballages et SAFT. Hé non ! Ce film n'est pas subventionné par du "sucre-glace" (si vous regardez le documentaire, vous comprendrez pourquoi... 5 millions d'euros de sucre-glace !)

Le Docteur Jean-Louis Etienne a travaillé pour IBM, France Télécom. Société Générale, Areva, Adem,Stade de France, Air Liquide, Total, Groupe Leclerc, Veolia Environnement, Renault, Eco Emballage, Crédit Agricole, Gaz de France, Unilever… Que des héros de la planète ! Je tiens à préciser que nous sommes très loin de l'oeuvre et des manières de Jacques-Yves Cousteau... qui avait ses convictions bien à lui et qui, surtout, n'avait pas besoin d'être le laquais des groupes capitalistes pour promouvoir la recherche et la science. Et on s'étonnera encore du positionnement politique en faveur des EPR du très écologiste Docteur Etienne.

Je suis tellement heureux de pourrir cette expédition avec une tonne de groupes multimillionnaires et multimilliardaires que je vais me permettre un interlude pour baisser d'un ton.


INTERLUDE DROLATIQUE

Oui, je vous offre un petit interlude qui vient troubler la naïveté de ces types de documentaires : http://www.youtube.com/watch?v=l0UFyqsrOJE

FIN DE L'INTERLUDE DROLATIQUE

La critique acerbe étant passée, on peut être soulagé d'apprendre comment se dresse un camp de survie, voire de survie, dans un milieu hostile et dans le respect des écosystèmes, en dépit de la qualité de l'instruction. C'est bien maigre...

***

EXTRAIT

A présent, je souhaite partager avec ceux qui passent par là ce petit écrit qui développe un peu ce que j'entends par le fait que nous soyons tous une île. Cela n'a rien à voir le documentaire et c'est de mon cru :

Je te contemple aujourd’hui sur de nouveaux souvenirs, jetés au travers des actes répandus chaque jour, un peu comme une mer contre son horizon, un peu comme il enfonce le bleu dans son bleu noir. Pourtant, tu as un point d’origine comme toute chose dans l’univers mais il semblerait que tous les mouvements du monde reviennent à leur origine, à leur Oméga. Alors, pourquoi chercher une île quand on en est une soi-même ? Pourquoi séparer les choses, le voyage de l’étrange pour commencer, plutôt que, d’un postulat, choisir le plus juste, le plus facile ? Pourquoi cette menace onde-t-elle sur ton image ? Pourquoi ne pas cesser de prendre des mesures sur un sextant approximatif ? Pourquoi ne puis-je pas m’empêcher de considérer ton être comme un point de départ alors que tous mes élans portent à croire que tu seras, à l’avenir, la grâce et une finalité ? Pourquoi mes intentions aboutissent à l’Oméga, à leur point d’origine ? Il n’y a pas de cryptage. Il y a un tout ; je l’ai accepté, j’ai aussi accepté de me confronter à cette écume. Le navire dégringole et chavire.
Mon doux nid
Mon île perdue
Mon idylle,
Un archipel chu.

Elle - « Une île est un bout de terre au milieu de l'infini. C’est un rempart face à l'improbable. Quand on vit sur un continent, il est si facile de parcourir les distances, elles vous semblent si petites, elles se comptent en heures de voitures, ce mode de transport, aujourd'hui, banal comme le train. Mais sur une île, c'est aux portes du ciel et de la mer que se font les départs, un au revoir qui est toujours difficile, prenant des allures de grands voyages. Une île, c'est un paradoxe, celui de l'attachement profond et du désir de voir toujours au-delà des mers. Une île s'infiltre en toi, elle te possède, si bien que chaque fois que tu la quittes, il faille t'en arracher. La regarder s'éloigner doucement en se demandant : « Pourquoi je pars et ou je vais... » Toutes les îles se sont infiltrés dans mon cœur mais quand je rentre chez moi, quand j'arrive là-bas, c'est encore différent. Je suis là où toutes mes questions trouvent des réponses. Je suis au cœur même de mon âme, entre mer et montagne. Je connais chacun de ses recoins, le moindre détail de ses courbes et de ses couleurs. L'hiver, elle est toute à moi. L’été, elle s'habille pour les autres. Mais l'hiver, elle se dresse calme et sereine, m'offre sa tranquille certitude comme repère. Je m'y sens apaisée et sereine. Une île, c'est mon cœur et mon âme, mes envies de voyages et de retour ; c'est mon ambiguïté dévoilée ; ce sont mes rêves mis à nu. Tu as vu mon île avec les yeux de l'étranger, du touriste qui sait tout ce qu'on en a dit, alors que je te la montrais avec les yeux de l'enfant qui l'ont parcourue. Je suis sans doute une île, le mélange de plusieurs aussi, d'autres sont tout aussi mienne que la Corse, une surtout qu'il faudrait que tu vois. Imagine, vivre sur une île, c'est sans cesse regarder la mer, lui demander le moindre de ses secrets, ce qu'elle cache plus loin, toujours plus, sous son horizon bleu, bleu-noir… et savoir partir est encore autre chose. On est à la fois prisonnier de l'immensité qui nous entoure et on est poussé par l'isolement malgré la petitesse de nos pas. Aime-moi pour aimer une île. »
Andy-Capet
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le 6 avr. 2013

Modifiée

le 22 janv. 2014

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Andy Capet

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