Œuvre de récupération et de réappropriation par un Christian-Jacque catapulté in extremis sur le projet, Les Pétroleuses témoigne de la libération sexuelle post-1968 qui voit dans le cinéma l’occasion de mettre en image et en mouvements ses revendications. Ici des femmes fortes qui tirent à cheval et se battent à mains nues, des femmes qui exhibent fièrement leur poitrine devant la gente masculine devenue gaga, abrutie, réduite à des corps nus et imberbes alignés sur une estrade. Les Pétroleuses met en scène un renversement : de genre tout d’abord, puisque les femmes font la loi et les hommes essuient corrections et échecs de leur demande en mariage jusqu’à un final mignon tout plein ; de nation ensuite, puisque l’intrigue se déploie dans une ville française – du moins francisée –, ce qui travestit le western traditionnel en le peinturlurant d’un charme à la française et d’un goût pour le gros divertissement. Nos héroïnes arborent ainsi une gouaille qui n’est pas sans rappeler l’archétype de la Française moderne. Enfin, ces pétroleuses convoquent un intertexte historique : les mythiques pétroleuses de la Commune. Le film est donc le vaste terrain de jeu d’une entreprise de mystification historique où l’ironie va bon train, où les clichés s’amoncellent pour mieux se dissoudre à mesure que les jupons tombent et que les masquent se lèvent. Malgré les restrictions budgétaires et esthétiques qui empêchent le réalisateur de pleinement s’approprier le projet, le film est d’une bonne tenue, s’entoure d’un casting tout à fait convaincant. Une œuvre faussement nanardesque qui joue justement sur sa niaiserie assumée pour mieux, en arrière-plan, détricoter la pelote d’un vaste édifice cinématographique où régnait jusqu’alors la virilité triomphante.