Entre la romance Perfect Sense et le polar Comancheria, David Makenzie s’essaie en 2013 à un autre genre bien codifié, le film carcéral. Et, comme à chaque fois, il parvient à saisir l’essentiel du registre pour approfondir des portraits qui relèvent ici d’une belle intensité.


La prison est un univers évidemment très fertile sur le plan cinématographique : d’un point de vue narratif, l’entrée en cellule est l’aboutissement d’un échec social, qui se dévoilera progressivement dans ce nouvel univers réunissant ce que la société concentre de plus violent et en perdition. Visuellement, c’est un défi en forme de régal pour un cinéaste : le travail sur les cadres, les déplacements dans les corridors, l’apprentissage d’une géographique réduite qui sera désormais l’unique horizon du protagoniste, entre coursives, cellules de personnages importants, délimitation des communautés et ciel grillagé pour la promenade.


Les poings contre les murs fonctionne parce qu’il conjugue différents talents : le regard acéré de Mackenzie, le jeu absolument impeccable Jack O’Connell et Ben Mendelshohn et une écriture nerveuse parvenant à conjuguer le naturalisme du milieu et l’ampleur des tragédies.


Le film marque tout d’abord par son intensité : celle des comédiens, au service de personnages ayant pour seul langage la violence, et concentrant dans leur corpulence les seuls éléments de langage à même d’assurer leur survie. Sur ce registre, on pense beaucoup au Bronson de Refn : par l’insistance sur les corps, l’ultra-violence et la tension constante qui rend les personnages prêts à exploser à tout moment.


Mais cette crispation n’est pas une finalité. Car le nouvel arrivé, s’il apprend vite les codes en vigueur, et qui frapper pour s’assurer un respect des autres, doit composer avec un autre hôte de choix en la personne de son père, condamné à vie et jouissant d’un statut hors pair.


Les enjeux se déplacent et viennent pernicieusement envenimer le récit initiatique : par la figure du père, mais aussi celles des relais possibles : le réel parrain local, ou l’institution qui permettrait, par l’intégration à un groupe de parole, de trouver une issue au cercle vicieux de la violence physique.
Eric se retrouve ainsi à la croisée des courants d’influence, trop immature pour faire les meilleurs choix, trop aux abois pour accorder sa confiance, trop vindicatif pour maintenir un climat pacifié.


Si la fin joue un peu trop dans la surenchère, c’est sur ce terrain miné que le film s’affirme avec le plus de maîtrise : en refusant de sacrifier au pur et paresseux thriller, Mackenzie parvient à rendre prégnant cet univers par une démonstration limpide : la prison n’est pas le lieu de la purgation d’une peine, mais l’apprentissage de la survie dans un nouvel enfer.

Sergent_Pepper
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le 10 janv. 2018

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Sergent_Pepper

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