Il suffit de quelques plans pour retrouver ce qui fait désormais l’âme singulière du cinéma de Bouli Lanners : une primauté accordée à l’image, des informations lacunaires, et un parcours de personnages marginaux, brisés par une existence âpre, ou ayant l’inconscience de poursuivre encore une quête.


L’atmosphère est résolument au requiem : partout, on meurt, sans trop d’effusions, tandis que les vivants, handicapés et frappés d’une innocence forcée, attendent la fin du monde.


Cavale apocalyptique, Les Premiers les Derniers joue sur la traque et ses différents ressortissants pour dresser le tableau d’une humanité en pleine déliquescence. A l’image de ce signal intermittent permettant de tracer les fugitifs, le récit se révèle par fragments, portraits d’hommes de main épuisés (Dupontel et Lanners), de gangsters aussi glauques que les zones industrielles sur lesquelles ils règnent et de vieux reclus (voire déjà décédés dans l’indifférence) à qui on prêtera, le temps d’une étape, un peu d’attention.


Sur des airs âpres d’une guitare qui rappelle celle de Ry Cooder dans Paris, Texas, Bouli Lanners pose un regard familier, toujours secondé par le splendide travail de Jean-Paul Zaetijd à la photographie. L’empathie, comme toujours, y tient une large place : dans ces grands espaces sillonnés à pied ou en Pickup, les plus fragiles ont droit à un peu de répit, tandis que les brutes finissent par tourner en rond et le serpent se mordre la queue.


Puisqu’on ne sait pas trop parler, et qu’on n’a pas l’orgueil de pouvoir donner des leçons, on laisse le paysage prendre en charge sa peine. Au détour d’une friche bétonnée, de l’achèvement d’un cerf ou l’enterrement d’un SDF, des bribes d’humanité surgissent. Jésus, de passage, affirme faire ce qu’il peut, tandis que l’imminence de la mort, qui gangrène chaque personnage à son échelle (maladie, menace, délire sur la fin du monde) le confronte à certaines vérités : des échardes de sens qu’il peut rester dans ce vaste néant grisâtre qu’est l’existence.


Tant que le récit se contente de mystère quasi mutique, le film est à la hauteur des modestes miracles qu’il ambitionne. On est donc d’autant plus étonnés des derniers développements de son intrigue, qui délaissent le pessimisme d’un Eldorado ou l’ouverture suspendue des Géants pour une rédemption un peu excessive, une victoire des bons sentiments qui a du mal à trouver sa place dans l’univers précédemment installé.


Il reste à espérer que cette tendance ne se confirme pas sur les prochains volets du travail de Lanners, qui garde une patte visuelle, formelle et humaniste qu’on désire vraiment retrouver.


(7.5/10)

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le 17 janv. 2017

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Sergent_Pepper

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