Don Siegel poursuit l’aventure avec Eastwood en lui proposant de nouvelles terres de conquêtes, délaissant le western au profit d’un récit historique et psychologique.
A l’abris supposé de l’Histoire, ici la guerre civile américaine, une grande bâtisse sudiste recueille un soldat de l’union et lui prodigue les soins nécessaires à sa survie. Dans ce gynécée retors dont Eastwood va chambouler le fragile équilibre, l’autorité et la discipline semblait régner jusqu’alors, déserté par les hommes sacrifiés sur l’hôtel de la guerre ou de l’esclavage.
Les ingrédients sont donc multiples et complexes, et les personnages ont tous une part d’ombre que semble pouvoir dénier des désirs d’amour a priori irréprochables.
Ennemi autant caché qu’enfermé, autant désiré que kidnappé, le caporal transforme vite les lieux en un harem d’autant plus malsain qu’il va séduire la quasi-totalité des femmes, de la jouvencelle de douze ans à la patronne cougar.
Étouffant, le huis-clos souffle le chaud et le froid dans sa façon de distiller fantasmes érotiques, perversion et d’y insuffler par brutales incursions la violence du chaos historique qui rode au-delà de la clôture de la propriété. Les femmes se sont clairement construites à l’abri des hommes, sans pour autant totalement refréner le désir qu’elles ont d’eux.
Dans cette maison aux escaliers multiples, aux portes fermées à clés et aux lits trop accueillants, Siegel met en place un jeu de clair-obscur fascinant, écho des désirs mêlant inextricablement éros et thanatos. A la lisière de l'expressionnisme, ses prises de vues mettent le spectateur au niveau des personnages, incapable de se faire une idée précise de celui qu’on doit condamner ou celle auprès de qui l’empathie serait légitime.
Franchir les cloisons ne se fait pas sans risque, et c’est bien là le projet du cinéaste que d’éprouver notre curiosité, voire notre voyeurisme, nous menant jusqu’à l’amputation et l’inceste, l’empoisonnement et la pédophilie.
Berceau vénéneux des désirs en temps de guerre, sur un registre qui convoque autant la femme bergmanienne que la Kathy Bates de « Misery », « Les proies » explore les relents ambivalents et cruels du désir avec une efficacité implacable.

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Sergent_Pepper
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le 9 déc. 2014

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