En équilibre timide entre film spectacle et œuvre documentaire, les révoltés de la cellule 11 témoigne de la passion évidente d’un réalisateur pour le sujet dont il s’accapare. Sous l’impulsion de Walter Wanger, producteur fraîchement sorti de cabane où il séjournait pour avoir plombé un homme qu’il suspectait d’avoir fricoté avec sa promise, Don Siegel réalise un état des lieux saisissant de la vie carcérale en faisant état de conditions de détention peu reluisantes et, surtout, ne manque pas l’occasion d’investir une prison en « parfait » état de fonctionnement pour faire parler ses optiques : si son approche est avant tout critique, elle est aussi génératrice d’une photographie à tomber. Entre deux dialogues vachards dénonçant les maillons rigides d’une hiérarchie carcérale qui s’inquiète plus de la réputation des murs qu’elle garde que de ce qui s’y passe, Don Siegel joue avec les lignes joueuses que lui offre la prison de Folsom, dont on retient notamment les coursives interminables, filmées au raz de ses passerelles métalliques celles qui leur donnent des airs d’arènes intimidantes dont le calme annonce les combats à venir.


Une arène qui se nourrit de revendications bruyamment formulées par des détenus forts en tronche dont le chef, sans peur et sans reproche, l’excellent Neville Brand, fait rugir son charisme, sa mâchoire carrée et ses traits vifs : l’homme est intègre, réellement concerné et très en colère. Un état d’esprit qu’il partage avec deux bras droits que tout oppose : un ancien militaire bien décidé à ne pas franchir les limites fixées par ses principes et Leo Gordon, pressé d'en découvre, authentique ex-taulard ayant fait parler son tempérament à Folsom quelques années auparavant, l’homme le plus effrayant qu’aurait rencontré Siegel dans sa vie. Quand on connaît l’intérêt du bonhomme pour les tempéraments bien trempés, ce n’est pas une remarque à prendre à la légère et on veut bien le croire : Leo Gordon marque la cellule 11 de son physique imposant et ses pauvres compagnons de cellule des dix phalanges qui lui servent d’interprètes lorsqu’elles se plaisent à meurtrir la chair.


La tentative de Siegel de faire cohabiter réalisme et spectacle est louable autant qu’elle est, sans doute, la limite des révoltés de la cellule 11. En effet, l’approche documentaire prend graduellement de l’ampleur en même temps qu’elle est freinée par un récit voulu cinématographique (le face à face par mur interposé entre policiers qui garnissent l’enceinte de la cellule de pack de dynamite et les taulards qui les épient, oreilles contre le mur, est une séquence qui fonctionne autant visuellement qu’elle paraît bien peu probable), ce qui empêche le film de vraiment s’assumer.


De même, la multiplication des points de vue qui permet à Siegel de faire un tour complet des dysfonctionnements du milieu carcéral, l’empêche de filmer la montée en puissance d’un personnage en particulier qui pourrait faire naître l'émotion (ce que parviendra à faire Jacques Becker dans Le trou quelques années plus tard en se concentrant uniquement sur une cellule, ses 5 habitants et leur collaboration pour un méfait commun) et apporter plus de relief à la conclusion d'une histoire pourtant passionnante, qui, en l'état, n'est pas manquée, mais se contente d’être mi-figue mi-raisin, entre happy-end maladroit et triste réalité.


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le 26 janv. 2016

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