Les Sacrifiés
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Les Sacrifiés

Film de John Ford (1945)

Contrairement à Sanseverino, j'aime pas les films de guerre. Ils se définissent comme films d'actions mais il n'y a que deux scènes mouvementées en 2h30, les personnages sont tous stéréotypés, les scénarios sont tous identiques. En bref, quand on en a vu un, on les a presque tous vus.
Oui, mais là, c'est John Ford. Par la fluidité de sa réalisation, par l'évidence du scénario, par ses seconds rôles toujours marquants, par ses notes d'humour ou d'émotion, il est capable de rendre tout passionnant.
Il y a quelque chose de spécial chez les cinéastes qui ont fait la guerre (John Ford, Sam Fuller ou le français Pierre Schoendoerffer). Ils ont une façon unique de filmer la guerre. Ils s'attardent sur les personnages, leurs regards en particulier. Ils savent capter subtilement les peurs non dites, l'angoisse de la veille de bataille. Ils montrent comment les soldats essaient de se divertir, de se changer les idées pour ne pas se laisser envahir par la peur. Ils savent qu'une guerre ne se joue pas uniquement sur le champ de bataille. Elle englobe aussi tout ce qui se trouve autour. La cohésion des escadrons, le moral des troupes, la santé, la nourriture, les amusements, tout cela forme un ensemble.
C'est là-dessus que ce film insiste.

Les Sacrifiés se déroule au début de la Guerre du Pacifique (pendant les premières minutes du film, la guerre n'a pas encore été déclarée). Le spectateur va suivre les différentes missions d'une escadrille de vedettes lance-torpilles. Une multiplicité d'actions qui aurait pu mettre à mal l'unité du film. Mais c'était sans compter sur Ford.
D'abord, il y a bel et bien une unité d'action. Au début, l'escadrille est considérée comme sans intérêt. On ne peut confier une guerre à des petits bateaux comme cela ; les destroyers, ça, ce sont des bâtiments utiles en cas de conflit, mais pas des vedettes. D'ailleurs Rusty (John Wayne) écrit une lettre pour être transféré sur un destroyer : c'est plus glorieux.
A la fin, les vedettes sont reconnues à leur juste valeur. Les différentes missions ont donc doublement atteint leur but : en réussissant des attaques contre les Japonais, mais aussi en faisant la promotion de cette escadrille légère, rapide et efficace.
Voilà donc pour la première unité du film, celle qui concerne l'action.

Mais l'unité principale, c'est celle des personnages. L'humaniste Ford place ses personnages au centre de son film. Il sait créer des individualités marquantes, pour mieux montrer comment elles disparaissent pour trouver la cohésion de l'escadrille.
Ford insiste aussi sur l'humour ou l'émotion : un "orchestre" improvisé pour satisfaire une jolie infirmière suffit pour faire momentanément tomber la tension. A l'inverse, comment ne pas se laisser gagner par l'émotion quand on voit les soldats partir pour Bataan en sachant comment la bataille finira...
Les scènes de combat, même très bien filmées, ne constituent pas le but du film. La preuve : certains combats sont situés dans les ellipses. Par contre, les personnages sont fouillés avec, comme toujours chez Ford, cette préférence pour les seconds rôles hauts en couleur.

On ne peut qu'être redevable à Ford de ne pas faire de forcing patriotique et de ne pas nous infliger le spectacle d'un héroïsme surhumain (voir les films de Walsh, où Erol Flynn gagnait la guerre à lui tout seul). Le cinéaste reste réaliste, et c'est peut-être la principale qualité du film.
Par contre, Ford a cédé à l'inévitable histoire d'amour officier-infirmière, passage obligé même s'il paraît venir là comme un cheveu sur la soupe.
En somme, un grand film de guerre, avec quelques temps morts, mais globalement très réussi.
SanFelice
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le 4 nov. 2012

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