Abou, jeune malien, a quitté son pays pour rejoindre le Mont Gururu, promontoire rocheux surplombant la clôture qui marque la frontière du Maroc avec Melilla, petite enclave espagnole sur le territoire marocain devenue point de passage privilégié pour les migrations de l’Afrique vers l’Europe. C’est là qu’il a rencontré les réalisateurs cosmopolites Moritz Siebert et Estephan Wagner qui lui ont donné une caméra afin de traiter de l’immigration du point de vue des migrants. Prenant peu à peu ses marques avec l’œil métallique, il commence par filmer dans le but de documenter ce qu’il vit avec ses amis, avant de s’intéresser de plus en plus à l’esthétique des images qu’il filme. Comme le soulignent ses réalisateurs, en plus d’être un documentaire nous donnant à voir le quotidien des migrants entre deux assauts de la clôture de Melilla et l’organisation communautariste du camp de réfugiés informel du Mont Gururu, Les sauteurs est aussi « un film sur la réalisation d’un film ». Cette dimension est d’ailleurs à l’origine des instants les plus émouvants, lorsque nous observons la naissance de la sensibilité artistique d’un homme que rien ne destinait à devenir cinéaste : Abou Bakar Sidibé, crédité en tant que co-réalisateur et dont l’avis fut toujours sollicité par ses collègues européens pour un montage conséquemment effectué à six mains.