Le court-métrage documentaire d’Alain Resnais & Chris Marker pose une question ; « Pourquoi l’art africain est exposé au musée de l’Homme et l’art grec au Louvre ? », Sorti en 1953, le propos du film révèle l’orientation diffusionniste de l’art moderne.
Déjà, il faut se rappeler qu’en 1953 la pensée coloniale est triomphante. Deux ans avant la Guerre d’Algérie et la conférence de Bandung1, on est aux balbutiements des mouvements décoloniaux. La nécessité du présent documentaire est vitale. Il est commandé par la revue Présence Africaine.
Quand on parlait plus haut de diffusionnisme culturel, cela renvoyait à une théorie d’ethnologie selon laquelle une culture dominante se diffuse au détriment des autres. En fait, avant 1949 et les travaux quoique critiquables de Claude-Lévi-Strauss, l’intelligentsia ne s’intéresse que très peu aux sociétés d’Afrique noire. On parle de sociétés « sans écriture », d’une civilisation « non historique » si l’on en croit Hegel. Donc par rapport à 1953, le documentaire auquel on va s’intéresser se situe sur une frange de l’avant-garde totalement radicale.
On est en droit de se demander ce qu’il en est maintenant que les études décolonniales ont les faveurs de l’université et des institutions. Les enjeux mis en lumière par ce documentaire sont-ils toujours d’actualité ?
On peut reprocher aux musées de posséder des objets volés durant la colonisation et exiger restitution, mais plus personne ne peut légitimement dénoncer le fait que des artefacts cultuels ont été réduits au rang d’objets d’art, ceci dans la mesure où la réalité cultuelle dont il est question a disparue de sa Terre natale ou n’y subsiste qu’à travers une sorte de tourisme spirituel organisé par des locaux pour des Occidentaux. Restituer les statues ne les fera pas renaître. Les remettre à leur place, que ça soit dans un musée ou un temple, ce sera toujours les regarder à travers un regard occidental. Les statues africaines sont mortes avec le monde dont elles étaient l’image. De ce monde, comme des statues, il ne reste que des imitations tout à fait désolantes.