Eyes of Laura Mars aimerait être beaucoup mais ne réussit pas même à être, la faute à un croisement d’influences qui jamais ne s’incarnent à l’écran. Nous ressentons l’héritage du giallo par la stylisation de la violence, l’irruption de visions dans une réalité aussitôt perturbée, les gros plans sur des yeux tantôt ouverts sur le monde pour en capturer des reflets tantôt crevés, symbole d’une pulsion scopique offerte au spectateur en mise en abyme. Il y a, évidemment, la patte de John Carpenter qui écrit ici le scénario : les visions prémonitoires sont filmées dans un point de vue interne comme l’est l’ouverture de son premier succès, Halloween, sorti également en 1978. S’observe une recherche formelle chichiteuse et inutilement maniériste qui aimerait s’inscrire dans le Nouvel Hollywood : caméra à l’épaule lancée à toute allure derrière ses personnages, volonté de filmer à l’extérieur parmi les passants comme Laura Mars conçoit ses happenings photographiques, plans coupés d’une seconde à peine pour reproduire l’impression de clichés etc. Le problème réside alors dans l’hétérogénéité d’une œuvre dont la forme, aussi travaillée soit-elle, ne dit rien ; il faut sans cesse recourir aux dialogues, telle Laura expliquant à l’enquêteur la nature de ses visions via une reconstitution avec un téléviseur.
Irvin Kershner n’a pas de style propre et emprunte celui des autres, sans succès ; il ne réussit pas à donner une profondeur émotionnelle à ses protagonistes, fantoches tenus à distance alors qu’ils monopolisent l’écran. Car Eyes of Laura Mars semble plus figé encore que les photos qu’il conçoit ; sa réflexion sur le pouvoir des images et la nécessité plastique d’en inventer de nouvelles aptes à représenter l’évolution de la société reste théorique, verbal en somme ; jamais l’esthétique ne dérange, ne brutalise, ne crève l’œil d’un spectateur vite endormi devant tant de platitude.