Limitless par Boulitoquet
Le film de Neil Burger reprend le mythe urbain bien connu qui nous dit que l'homme n'utilise que vingt pour cent des capacités de son cerveau. L'histoire raconte la vie de Eddie Morra, écrivain un peu raté qui, en faisant la rencontre d'une vieille connaissance, va se retrouver en possession d'une nouvelle sorte de drogue qui multiplie les capacités cérébrales. Ce sujet est plein de promesses et peut engendrer un scénario plein de potentiel. À mon sens, Burger a voulu plutôt jouer du côté du divertissement que du film conceptuel et cérébral.
Le film débute sur un flash-forward visant à nous montrer pour la première fois le personnage principal et narrateur Eddie Morra prêt à se suicider. Cette introduction en flash-forward me paraît un peu inutile, car, à part tenter de nous accrocher, elle ne semble pas apporter beaucoup au film, surtout en étant alourdie par une voix-off un peu trop explicative. Bien heureusement, suit le générique du film, très original dans la forme, comme un gigantesque zoom au sein de la ville qui regarderait tout dans les moindres détails, il s'agit bien là d'une représentation de l'effet de la drogue qui sera au centre du scénario du film.
Par la suite on nous présente le personnage d'Eddie, qui n'est pas encore atteint par cette fameuse pilule de NZT, présentation qui fonctionne plutôt bien, Malgré le fait que le principe du personnage sympathique et un peu paumé qui se fait bousculer dans les rues par des passant vindicatifs reste un peu cliché (qui plus est lorsqu'il est écrivain). Et bien que le fait qu'un élément déclencheur fantastique va rendre sa vie bien plus intéressante dans les prochaines minutes soit assez peu surprenant, on y croit tout même, notamment grâce à un montage plutôt dynamique.
En terme de photographie, le film prend le parti de diviser sa gamme de couleur en deux univers opposé. Des couleurs très froides et un aspect terne sont présents lorsque l'on observe la vie morne d'Eddie au début de l'histoire alors que lorsqu'il avale pour la première fois sa pilule de NZT, des couleurs chaudes et saturées apparaissent. Nous nous en rendons facilement compte lors de la scène sur le palier avec la voisine. Cela rend la lecture du film pour le spectateur très facile (peut-être même trop diront certains) afin qu'il puisse situer le récit sans aucun problème. On pourrait dire qu'il s'agit ici d'une astuce un peu triviale, mais il me semble que dans ce cas précis elle est utilisée à juste titre et s'avère être plutôt efficace.
De nombreux passages du film nous offrent d'ailleurs une mise en scène plutôt originale, par exemple lors des flash-back sur le mariage raté d'Eddie où seule la partie de l'écran la plus importante est éclairée, comme si le souvenir n'était pas totalement intact. D'ailleurs on remarque également des couleurs chaudes, peut-être simplement pour montrer que sa vie à cette époque était plus joyeuse. Différentes déformations d'image apparaissent également lorsqu'Eddie ou sa copine Lindy sont sous l'emprise de la drogue. On reconnaît l'utilisation d'un objectif très grand angle dans la scène du palier ou bien celle de la poursuite avec Lindy. On retrouve également l'effet découvert lors du générique dans la scène du coiffeur où l'on observe la scène se répéter en boucle à l'aide du grand miroir. Cela rend les passages où les personnages sont drogués plus psychédélique et chaotiques.
Le film nous propose aussi quelques courtes scène très graphiques, bien que cela fasse penser à un design de publicité, où la magie des pilules fait son oeuvre, comme par exemple lorsqu'il écrit son livre en une nuit ou lorsqu'il commence à jouer en bourse. Des lettres et des chiffres apparaissent derrière et devant lui comme pour signifier que maintenant tout est clair dans sa tête, qu'il est maintenant capable de tout comprendre et de tout effectuer.
Les scènes où la drogue commence à faire un effet négatif sur Eddie sont également bien amenées. Cela démarre par quelques petits jeux d'images décomposées qui peuvent passer presque inaperçus (donc finalement sans danger pour le personnage) puis, grâce à un montage simple mais intelligent, on s'aperçoit des pertes de mémoires du personnage. Les effets s'enchaînent jusqu'à l'apogée où on nous offre dix-huit heures de la vie d'Eddie concentrée en quelques minutes. On retrouve d'ailleurs encore une fois l'effet de «zoom infini» du générique mais cette fois plus puissant et persistant que lors du passage chez le coiffeur. Le film gère ses ellipses d'une façon qui fait également écho au sujet principal, un montage de différents plans en insert permettant de faire passer une action pour ne pas alourdir le rythme. Ces derniers sont d'ailleurs souvent ponctués par quelques lignes de monologue en voix-off par Eddie lui-même et d'une petite musique remplie d'espoir. Ce système est également utilisé d'une façon encore plus rapide et dynamique lorsqu'Eddie recherche une solution, quand il rencontre pour la première fois Carl Van Loon ou lorsqu'il remet à sa place la voisine par exemple.
En terme de scénario, le pari de faire un film de divertissement est réussi, cela dit on est en droit de se poser la question qui suit : Et si Neil Burger avait creusé un peu plus ? Car oui, si le film a une faiblesse c'est bien son manque d'approfondissement du sujet, malgré une idée de base alléchante, le scénario reste tout de même très classique et prône un message plutôt bancal sur le traitement artificiel qui mène à la réussite. De plus, il subsistent quelques passages à vide dans le film, des facilités comme l'affaire de meurtre un peu trop vite bâclée qui ne sert l'intrigue que pour qu'Eddie se fasse voler son sachet de pilules. Mais si on réfléchit bien, cela est également à l'image de l'histoire elle même (tout est plus rapide, tout est plus efficace).
On pourrait également critiquer le fait que la première chose qui vienne à l'esprit d'Eddie une fois qu'il est devenu un génie après avoir fait l'amour à sa voisine soit de ranger son appartement, mais la bonne idée de dédoubler le personnage pour montrer la sensation de vitesse et de facilité qui l'envahie rattrape le contexte un peu bancal. Mais on peut noter des idées de scénarios plutôt bonne pour contrebalancer cet exemple, comme Lindy obligée d'avaler une pilule pour parvenir à s'échapper en se servant des patins à glace d'une petite fille comme arme, une scène tellement surréaliste qu'elle en devient jouissive. Malheureusement la scène où Eddie parvient à se battre comme Bruce Lee ne parvient pas à rendre le même effet drolatique.
Bradley Cooper s'en sort étonnamment bien dans son rôle de petit écrivain à qui tout est possible, surtout lorsqu'on compare sa prestation avec ses rôles précédents dans Very Bad Trip ou encore L'agence tout risque. Il fini même par tenir tête à Robert De Niro (qui d'ailleurs ne devait être présent uniquement pour faire venir les spectateurs d'après le peu de fois qu'il est présent à l'écran). Les rôles secondaires sont malheureusement un peu mis de côté face à Bradley Cooper, certes cela renforce son personnage d'homme au cerveau sur-puissant qui contrôle tout et tout le monde mais cela nous donne finalement une vision tranchée du film puisque nous sommes toujours à ses côtés.
Pour conclure, on peut dire qu'il s'agit d'un très bon divertissement, qu'il est peut-être dommage de n'avoir pas creusé davantage les problèmes que pourrait poser une telle drogue si elle venait à apparaître et à tomber aux mains de personnes mal attentionnés à l'image de Gennady ou bien pire. L'ambivalence du personnage entre le fait d'être un drogué ou bien un génie aurait pu être traitée plus en profondeur, mais au final on passe un très bon moment en regardant ce film. D'autant que la photographie est tout de même très réussie et bien que fonctionnant sur un système assez simple, le film propose tout de même de nombreuses idées de mise en scène originales sans pour autant faire décrocher le spectateur de l'écran.