Un trio (presque) gagnant
Un plan rassemble ces trois hommes et révèle à lui-seul le dessein d'un récit jouxtant métaphore et désespoir. Ce plan, commun à une quête de sens tissant et entremêlant ces trois destins liés dans l'adversité, c'est celui de Manhattan. Il représente cette ambition partagée de s'émanciper des voies tracées dans une médiocrité relative qui n'est pour aucun de leur goût. Qu'il s'agisse d'Ethan Hawke, humble vidangeur de fosses septiques, prêt à commettre l'irréparable pour assurer l'avenir du bébé que sa femme va mettre au monde au prix de son âme, ou Seymour Cassel, désireux de racheter la sienne parce que la mafia locale n'en finit plus de s'essuyer les pieds dessus en l'obligeant à découper du macchabée dans son arrière-boutique, ou encore Vincent D'Onofrio, chef de la-dite organisation, désireux de devenir le parrain de Staten Island, tous sont accablés par la fatalité. Tous veulent y remédier. Quitte à se priver du peu d'ataraxie dont ils souffrent.
A la baguette, le scénariste James De Monaco qui signe là son premier long. Il y a une ambition certaine quant aux sujets abordés au gré des errements chaotiques des personnages principaux, et l'on ne peut que se réjouir devant un tel travail d'orfèvre tant son sens du cadrage est lourd de sens, ses plans soignés et la tenue dramatique exemplaire. Il manque au final un rien de personnalité dans la mise en scène qui brille davantage pour sa vacuité démonstrative que pour son génie, tant les risques sont minimes et l'originalité absente. C'est ce surplus de grâce qui fait de cinéastes comme Tarantino des maîtres de la comédie noire, car si tout ici paraît pleinement maîtrisé, il n'en demeure pas moins que l'ensemble manque de tempérament. Les trois acteurs pourtant s'avèrent particulièrement brillants et permettent à ce polar urbain de jouir d'une solide interprétation qui donne à oublier qu'ici les codes ne sont que trop bien respectés.