Mais à quoi ça sert ?...

Belle découverte que ce cinexpérience d'hier soir ! ce "Love & Friendship" de Whit Stillman m'a enchanté... ça m'a littéralement collé le smile pour le reste de la soirée...
C'est fin, très fin. C'est caustique, d'une grande vivacité, et sacrément bien écrit (les dialogues mériteraient qu'on revoie le film d'ailleurs, chaque réplique est doucement vicieuse, et fait mouche l'air de rien, on parle bien, et même très bien, mais on dit des horreurs...), c'est enlevé, ciselé, dense, rafraichissant, intelligent, drôle mais jamais vulgaire (au grand jamais...), la mise en scène n'est pas là pour en jeter plein les yeux, c'est là aussi très fin, très géométrique, avec un sens du cadre particulièrement élégant, avec pourtant peu de moyen (si vous voulez des plans à la grue ou des caméras au drone, passez votre chemin...) c'est l'inverse du film boursoufflé qui chercherait à nous refourguer du bon sentiment, de la gaudriole ou pire, du questionnement social et/ou psychologique à bon compte...
J'écris cela car une question du public d'hier soir m'a vraiment interpellé : "à quoi ça sert ce film en 2016 ?" (peut être en sous-entendant la vacuité d'un film en costume dans l'Angleterre du XVIIIième je ne sais pas...) comme si le cinéma ne pouvait que faire du social, que dénoncer je ne sais quoi, que parler politique guerre crise malheur et tout ce qu'on voudra, que s'engager pour une cause qui serait plus grande que lui... c'est probablement le sens de la palme d'or à Ken Loach d'ailleurs... alors que pour ma part, je trouve que ça fait tellement de bien de voir un film comme "love & friendship" qui ne cherche pas autre chose que de faire le meilleur film possible, qui croit au cinéma tout court, pas au cinéma vecteur de thèses... qui a cœur de créer des personnages complexes, ni blanc ni noir. Qui ne prend pas le public pour plus ignorant qu'il n'est en lui imposant un point de vue manichéen sur ce qu'il raconte ou sur tel ou tel personnage (ainsi par exemple, aucun jugement moral n'est porté sur le personnage principal, Lady Susan. On peut soit la voir comme une manipulatrice vénale qui n'a d'autre morale que la sienne, chez qui le sentiment maternel est totalement absent, qui ne fait que de tenter de profiter de son entourage, mais aussi comme une féministe avant l'heure, qui se considère à l'égal des hommes dans une société où c'est très loin d'être le cas, qui façonne elle-même sa vie, par ses talents et son intelligence, consciente de ses atouts et s'en servant à son propre profit).
Dans Love & friendship, tout est faussement léger, faussement superficiel, que ce soit en terme de mise en scène, de direction d'acteurs, d'écriture. C'est un film d'équilibriste. Alors qu'il serait facile de tomber d'un côté comme de l'autre, le film reste droit et garde sa tenue. Mais une tenue très élégante bien sur...
En résumé, je conseille fortement d'aller voir "love & friendship" de Whit Stilman, car c'est un film qui fera pétiller votre esprit !
et ça, ça sert à quelque chose...

merci Sens Critique pour cette nouvelle découverte !

RAJOUT LE 20/07/18 : mais Whit Stillman a tiré un roman de son film lui-même tiré du livre de Jane Austen, pour les amateurs, sautez dessus, c'est brillant, réjouissant, et très impressionnant ! (car l'air de rien, comme toujours chez lui, l’exercice auquel se prête l'ami Stillman est des plus hardis !)