Au risque de passer pour un perpétuel indécis, j'avoue me sentir très partagé au sujet de ce film.
D'un côté, je le trouve réussi, charmant, habilement fait et probablement bien intentionné en ce sens qu'il rassure, apaise les ados (12-19 ans) qui se découvrent appartenir à une minorité sexuelle.
De l'autre, je le perçois comme potentiellement dangereux pour ces mêmes teen-agers, s'ils le prennent au pied de la lettre (pour argent comptant) et si cela les incite à faire un coming out, certes héroïque mais complètement prématuré, qui risque ensuite de leur compliquer terriblement la vie, puisqu'ils s'exposent très imprudemment et durablement à la probable incompréhension (pour ne pas employer un mot plus explicite comme : connerie, chiennerie ou saloperie) de la majorité des gens qui composent leur entourage.
Ceci pour dire que le "happy end" de Love, Simon est pour le moins improbable, même dans les pays occidentaux les plus avancés.
Le dénouement heureux (et consensuel) d'une telle histoire (qui, au fond, est dramatique et pourrait très bien finir en tragédie) ne se conçoit encore aujourd'hui qu'au ciné. Et en ce sens, on peut dire que c'est un film avant-gardiste, dont l'intention affichée est de bousculer les préjugés. Grâce à ses qualités de scénario, de réalisation, d'interprétation, il s'adresse à un large public qui recevra sans doute cette leçon de tolérance avec une certaine bienveillance... qu'on peut espérer un tant soit peu contagieuse.
Love, Simon nous emmène à la fois bien loin du réalisme tragique de 120 battements par minute ou de Plaire, aimer et courir vite et, à l'opposé, bien loin aussi de Call Me By Your Name, sorte de luxueuse bulle sensuelle pour homos privilégiés.
C'est un "feel good movie" sans doute exagérément optimiste, mais plutôt malin, drôle, charmant, touchant et... qui égratignera sûrement un peu ceux (et ils sont légions) qui, parce que hétéros, se considèrent comme évidemment supérieurs à ceux qui ne le sont pas.
Sinon, la musique est entraînante, très présente. Le casting : soigné et pertinent. Dans le rôle-clé de Simon, Nick Robinson est très, très bon. S'il n'avait pas été aussi judicieusement choisi, le film ne serait pas la réussite qu'il est. Quant à ses potes, sa famille et tous ceux du lycée, les comédiens les personnifiant sont, pour la plupart, au diapason du personnage principal.
Enfin, pour ce qui est de l'atmosphère, le film de Greg Berlanti est dans le droit-fil de ceux d'un John Hughes au sommet de sa forme.
Conclusion. Joli film habilement écrit et réalisé mais... si vous voulez vous éviter des réveils difficiles, ados, ne confondez pas ciné et réalité : veillez absolument à ce que votre vie privée le reste le + possible, le + longtemps possible.