Nuit. Tisane terminée. Film terminé. Gothic ôte son casque à cornes pour s'essuyer la joue tant il pleure d’admiration. Nomé(nale) quant à elle s'empresse de fuir pour cacher ses larmes de rage.
Gothic (G): Attends ! Je sais que tu es submergée par l'émotion mais on peut en parler deux minutes, quand même !
Nomé (N): Deux minutes, alors. J'ai perdu assez de temps avec ce film.
G : Tu as vu toutes ces questions que Besson soulève ?
N : Comment rendre une jolie actrice à peine passable à cause d'une coupe de cheveux et d'un maquillage merdiques, tu veux dire ?
G : Oui par exemple mais aussi la place des femmes dans la société, la supériorité des blondes au volant, la méchanceté des coréens, l'intégration au sein de la police française...
N : La reproduction des guépards, l'extinction des dinosaures, l'impact des chaises de dactylo volantes sur l'évolution de l'humanité, tant que tu y es !
G : Oui, toutes ces questions essentielles auxquelles Besson répond avec sincérité et modestie, sans effets superflus. Je veux dire, c'est pas comme si ILM avait travaillé sur des effets spéciaux aussi moches qu'excessifs !
N : Attends, t'es sûr qu'on parle du même film ? J'adorais Besson, mais là, je dirais même par respect pour son œuvre antérieure, je ne peux pas cautionner. Le gars, il a une idée potable, et il ne l'exploite même pas ! A la place il s'inspire de tous les films qu'il a dû voir récemment et nous en colle des bouts dans tous les sens : Tree of Life, La Vie d'Adèle – pour les gros plans sur les bouches en train de manger, quitte à s'en inspirer il aurait au moins pu mettre une scène de cul...
G : Il y a quand même un baiser inoubliable...
N : C'est sûr ! Même Scarlett doit pas s'en souvenir !
G : Nan mais t'as pas compris, en fait Besson veut montrer qu'il faut aimer son prochain même quand on vient de le rencontrer.
N : C'est pour ça qu'elle tue sans raison un chauffeur de taxi qu'elle croise ?
G : C'est un peu plus complexe, après tout il parlait pas sa langue. "Lucy" c'est bien plus qu'un film d'action lambda: Luc fait tourner une femme qu'il n'a même pas épousée, le personnage noir est un gentil à qui on ne pète pas la gueule et les Audi sont ici des Peugeot... "Lucy", c'est vraiment le film de la maturité pour Luc Besson.
N : Tu sais, c'est pas parce qu'un discours part dans tous les sens qu'il a une portée philosophique !
G : C'est pas faux.
N : Nan mais tu vois, je suis vraiment frustrée. Il aurait pu développer plus intelligemment son sujet par exemple en mettant en avant de véritables capacités psychiques ou en expliquant plus clairement l'évolution de Lucy.
G : Justement t'as rien compris, c'est super clair ! Au début elle est à 10% et après Besson te montre chaque palier avec des pourcentages. C'est super malin ! On peut pas t’en vouloir, c'était facile de louper cette subtilité. C'est pas des lignes de chiffres qui servent à rien comme dans Matrix ou Pi.
N : Tu vois, à la limite, le dialogue avec sa mère, il a essayé quelque chose, en lui faisant décrire son ressenti. Après pour ce qu'elle ressent...
G : Ben ouais, se souvenir du goût du lait maternel ou du liquide amniotique c'est super balèze ! Elle a une mémoire de dingue !
N : Oui, elle a tellement de capacités qu'elle connaît tous les plans de Paris par cœur et parvient à semer des poursuivants qu'elle ne voit même pas mais reste incapable de s'apercevoir deux minutes plus tard qu'elle est suivie.
G : En même temps Besson décrit la police française comme personne, c'est bien connu qu'ils savent pas conduire et provoquent des carambolages en série…pis faut pas croire, un coréen qui te file, c’est discret !
N : Mais ma parole tu crois tout ce que tu vois à la télé ?
G: Non mais Besson joue toujours la carte du réalisme. Regarde "Le Cinquième Elément" !
N : Laisse tomber, je risque de passer mes nerfs sur toi si ça continue. La prochaine fois on regardera Oui-Oui.
G : Ah non, hein ! Question drame social, j'ai eu ma dose pour le mois ! C'est dommage que Besson ait surévalué les capacités intellectuelles du public. Il a perdu beaucoup de monde dans cette affaire, je m’attendais à ce que toi au moins tu comprennes son oeuvre…
Nomé s'en va, soupirant.
L'un des deux protagonistes n'a pas utilisé plus de 10% de ses capacités intellectuelles.
L'autre était à 100% et porte un casque à cornes.
http://www.senscritique.com/film/Lucy/critique/42725980
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