César du meilleur film d'animation en 2017 et nommé aux Oscars ( injustement battu par Zootopie), Ma vie de Courgette est le premier long métrage du Suisse Claude Barras. Un coup d'essais qui ressemble à un coup de maître puisque Ma vie de Courgette est tout simplement une petite merveille de film.
Réalisé en stop motion avec des marionnettes pendant plus de huit mois , ce curieux film d'animation détonne par ses choix esthétiques et techniques assez radicaux. En y regardant vite fait on pourrait même penser que par son titre et son aspect visuel Ma vie de Courgette s'adresse essentiellement aux plus jeunes spectateurs ; en réalité le film est extrêmement adulte (trop diront même certains spectateurs choqués par la noirceur du film) . Car dans Ma vie de Courgette on parle bien et très directement de maltraitance sur enfants. Sans sombrer dans le pathos ni le misérabilisme le film de Claude Barras met en scène des enfant victimes d'inceste, de violences, dont les parents absents sont alcooliques, drogués, délinquants, expulsés ou en prison. Concernant les deux petits héros du film ; le petit Courgette a tout simplement tué sa mère par accident pour échapper à une nouvelle rouste et la petite Camille a vue son père se suicider devant ses yeux pour une histoire d'adultère , autant dire qu'en dépit de son graphisme très enfantin on est pas vraiment dans les Teletubies. Sur ce fond de noirceur abyssal, le film vient alors dresser le portrait très touchant de ses gosses qui tentent de retrouver un peu de lumière par l'amitié l'espoir et la reconstruction de valeurs humaines. Claude Barras parvient avec beaucoup de tendresse à faire exister tous ses petits personnages et à les rendre terriblement attachants. Le film impose très vite son regard tendre, mélancolique, drôle et désabusé sur ce petit monde et les gosses prennent alors vie et corps sous leurs aspects de marionnettes pour devenir des personnages bien plus fort que dans des tonnes de films en prises de vue réelles sur l'enfance. Ma vie de Courgette frappe juste et fort au cœur du spectateur et l'empathie envers ses drôles de gosses dépasse alors l'aspect visuel du film pour qu'il ne reste à l'écran que ses gamins plus vrais que nature. Des gamins touchants dans leur naïveté, leur regard décalé sur le monde, leurs espoirs et leurs blessures. Des mômes loin des clichés sirupeux habituels qui parlent de sexe, se réinvente une famille dans le chaos et écoute Salut à toi des Beruries noirs quand ils ont le vague à l'âme. Touchante et drôle la petite bande composée de Courgette, Camille, Ahmed, Simon, Jujube, Béatrice et Alice est tout simplement bouleversante et ses gosses restent très longtemps dans les esprits du spectateur une fois le film terminé.
Pour concevoir ses personnages Claude Barras s'est inspiré d'une citation de Hergé qui disait que plus un visage était simplifié graphiquement plus le spectateur pouvait y projeter ses propres émotions. Les têtes toutes rondes et disproportionnées des personnages, leurs yeux comme deux immenses hublots dans lesquels on parvient parfois à lire toute la détresse du monde sont loin de desservir la crédibilité des personnages, bien au contraire. Le film navigue comme sur un fil entre la dureté du fond, la légèreté infini des personnages et cet aspect visuel à la fois très enfantin et naïf mais totalement cohérent. Ma vie de Courgette n'est pas à la mode du tout numérique de l'animation actuelle et c'est sans doute paradoxalement pour cette raison que le film devrait magnifiquement bien vieillir. La puissance des émotions qu'il suscite , son aspect visuel hors du temps font que Ma vie de Courgette est définitivement une précieuse et magnifique petite pépite et un immense coup de cœur.

freddyK
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le 15 sept. 2017

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Freddy K

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