Burlesque et vulgarité à volonté. Balasko n’est jamais meilleure que dans la peau d’une damnée de la terre, seule, moche et non-désirée, mieux, humiliée et vaguement exploitée par les rares membres de son entourage (ici, son psy, son voisin, sa mère) ; c’est avec ce costume disgracieux et purulent qu’elle trouve par surprise un ange gardien vicieux dans Arlette ou Ma vie est un enfer, voir Nuit d’ivresse où elle est également exaucée pour le pire.
Avec ce troisième film qu’elle réalise elle-même, juste avant le sacre de Gazon maudit, Balasko partage l’affiche aux côtés d’un Daniel Auteuil survolté ; il apparaît en démon venu profiter de sa fragilité, dont elle va tomber amoureuse malgré ses manipulations, allant jusqu’à tenter de le racheter lorsque la hiérarchie céleste s’acharne sur lui. En renversant ainsi la table, le film se permet d’explorer toutes les pistes de son improbable scénario, plutôt que de se restreindre à une simple accumulation de sortilèges autour du personnage de Léa.
Particulièrement outrancier, Ma vie est un enfer se profile en farce brutale (avec d’impressionnants accès de mauvais goût), plus anglo-saxonne que franchouillarde (bien que le Benguigui accroc au porno soit là pour le rappeler). Les pouvoirs surnaturels et la nature de Abar autorisent plusieurs numéros grand-guignols (le tour de magie perturbé, le chaos dans le restaurant de luxe), tandis que l’enfer et ses avatars sont traduits sous un angle folkorique. Balasko imagine les corporations autour de lui avec les bars des émissaires du diable ou le centre de traitement des messages terrestres.
Réellement trash (l’arme de la vengeance), y compris au plan graphique où il se comporte comme un nanar cronenbergien (scène de transformation de la mère en dame de l’aspirateur de Eraserhead), Ma vie est un enfer aurait pu devenir un fleuron de la comédie fantastique excentrique et populaire à la française ; il se contente d'être un des seuls essais potaches et grand-public dans le genre. Reste une rinçade grasse et colorée.