Existe t-il une identité propre au cinéma Belge , c'est en tout cas ce que tente de nous prouver ce documentaire très orienté de Yves Montmayer qui prend l'évident parti pris d'aller fouiner du côté des cinéastes et personnalités les plus allumés de Belgique, terre il est vrai particulièrement fertile en la matière. Si le documentaire fut présenté dans certains festival dans un format de 93 minutes (Je veux le voir !!) , c'est la version télé condensée de 55 minutes que j'ai eu l'occasion de regarder.
Raconté par Benoît Poelvoorde et introduit par une chouette petite séquence d'animation le film qui met en exergue la déflagration C'est arrivé Près de Chez Vous et s'en va interroger une belle galerie de gens doux dingues mais au combien attachants comme Fabrice Du Welz, Noël Godin, Vincent Tavier (producteur de Rémi Belvaux), Jan Bucqoy (Dessinateur de BD, artiste et réalisateur), Bouli Lanners, le duo de frappadingues Patar et Aubier, Xavier Seron et d'autres singulières découvertes. L'entarteur Noël Godin qui nous parle entre autres choses de son court métrage Grève et Pets définit plutôt bien ce cinéma belge un peu fou en parlant d'un cinéma de garnements libertaires, effrontés et provocateurs. Si l'on connaît relativement bien Fabrice Du Welz ou Jan Bucqoy (La Vie Sexuelle de Belges), on découvre surtout des cinéastes pour le moins originaux comme Roland Lethem capable de faire un film sur un collectionneur de Tampax juste parce que ça l'amuse ou dont le film Bande de Cons !! est une sorte de happening artistique et ultra-provocateur contre les spectateurs dont il insulte ouvertement la passivité afin de les faire réagir, il dit avec malice concernant ce film que si les spectateurs restent c'est vraiment qu'ils sont cons, tout autant que si ils s'en vont car de toutes les manières ils seront cons dès qu'ils auront payé leurs places. L'autre type bien allumé de la galaxie Belgium que l'on découvre avec ce film c'est Jean Jacques Rousseau (Wallonie 2084) un cinéaste surréaliste et bricoleur qui a fait tourner dans plus d'une trentaine de films les gens de la rue et apparaît toujours médiatiquement avec une cagoule en laine sur la tête, un réalisateur décédé de la même manière que l'un des personnage de ses scénarios, en sortant du bistrot . Dans cette galaxie pas si lointaine les interventions de Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde et Vincent Tavier sonnent d'un coup presque comme un retour à la quasi-normalité.
Car il est vrai que ce documentaire riche en images fortes comme une belle prise de bec entre Poelvoorde et Du Welz sur le tournage de Adoration, des extraits des courts métrages amateurs de la bande Belvaux Poelvoorde Rémy, l'arrivée à Cannes en tracteur de l'équipe dePanique Au Villageet de extraits de films chocs come Vase de Noce et son histoire de zoophilie entre un homme et sa truie en dit long sur cette autre cinéma. On se rend assez vite compte que ces nombreux films et courts métrages cultivent un même goût de l'absurde, de l'anarchie libertaire, d'une étrange poésie surréaliste et joyeuse, du malaise et de l'indépendance. Ces film cultivent également une envie commune de mettre en lumière des personnages marginaux et riches en contradiction avec des comédiens et comédiennes qui possèdent des vrais gueules de cinéma. D'ailleurs Jan Bocqoy raconte qu'il ne souhaite pas consulter de livre de casting avec des acteurs et actrices qui ressemblent tous à des top modèles, Bouli Lanners confesse son amour des personnages cabossés par la vie et comme précisé plus haut Jean Jacques Rousseau faisait ses castings dans les rues et les marchés. Tout ceci donne un cinéma qui personnellement me fait de l’œil et qui semble se construire dans une sorte de grande famille d'intellectuelles siphonnés de la carafe dont on aimerait franchement bien être les potes tant ils semblent plutôt bien se marrer de leurs tours de sales gosses.
Le documentaire comme son titre l'indique explore vraiment le Mad in Belgium et non le Made in Belgium et du coup il ne sera jamais fait mention de réalisateurs belges majeurs comme Jaco Van Dormael, Felix Van Groenigen, Benoît Mariage ou les frères Dardenne. C'est un peu dommage car il aurait été amusant d'avoir ne serait ce que leur regard sur ce cinéma plus indépendant et underground. Dikkenek, Picha et François Damiens pourtant pas très éloignés du sujet sont également totalement absents du film, à moins qu'ils ne soient dans la version de 93 minutes présentée au BIFF (Bruxelles International Film Fantastique) ?
Mad In Belgium est un excellent documentaire, instructif, ludique, riche et qui surtout donne envie de découvrir des univers, des films et des personnalités sacrément barges.