"Rather obnoxious, but not entirely unappealing."
Chaque année au rendez-vous, Woody Allen livre avec Magic in the Moonlight son quarante-quatrième long-métrage (!), une comédie romantique dont l’action se déroule sur la Côte d’Azur vers la fin des années 20. Colin Firth y incarne Stanley Crawford, un magicien blasé et pessimiste, aussi connu sous son nom de scène, Wei Ling Soo, qui, s’il vit de l’illusion, n’en nourrit plus aucune sur le monde — personnage en somme très allenien. Son meilleur (et unique) ami, Howard (Simon McBurney), le convainc de se rendre dans le sud de la France afin de démasquer une prétendue médium, Sophie Baker (incarnée avec fraîcheur par la jolie Emma Stone).
Le film, entièrement prévisible, repose sur une intrigue légère, et sa réussite tient donc fortement à la performance des acteurs. Notamment celle du duo principal Stone-Firth, qui dégage une certaine alchimie. Emma Stone est éblouissante, et on peut concevoir que son sourire charmeur puisse faire douter le très rationnel Stanley quant à l’existence d’un « monde invisible ».
Conséquence de son faible scénario, Magic in the Moonlight souffre d’un problème de rythme. Certaines scènes s’étirent, d’autres semblent inutiles. Les dialogues très — trop ? — travaillés, s’ils ne rencontrent pas à tous les coups les rires attendus, dynamisent l’ensemble, mais il subsiste une impression de lenteur pesante, malheureuse pour un film d’une heure et demie à peine. L’omniprésence à l’écran de Colin Firth s’avère à la longue lassante, son personnage caricatural de britannique snob et cynique étant à la limite de l’antipathique, et les scènes où Emma Stone apparaît apportent un vent de fraîcheur bienvenu.
La réalisation soignée rattrape néanmoins le film. La photographie est délicieuse — Darius Khondji, chef opérateur que Woody Allen retrouve pour la quatrième fois, a effectué un excellent travail à partir de la lumière du sud de la France, baignant le film dans des tons chaleureux —, les décors splendides, les costumes ravissants, conférant au film un charme résolument rétro. La bande originale en revanche n’a rien d’exceptionnel, et le même air de jazz que l’on retrouve tout au long du film finit carrément par agacer — au point où on en viendrait presque à préférer les ballades au ukulélé jouées par Brice (Hamish Linklater), le fils Catledge, pour séduire Sophie dont il est furieusement épris.
Avec Magic in the Moonlight, Woody Allen signe une comédie romantique qui reste sympathique malgré un scénario prévisible et manquant de rythme, notamment grâce à la réalisation élégante et au casting de choix qui sauvent le film. Cette comédie en apparence légère aborde en outre quelques thèmes intéressants, comme le rapport que l'on entretient avec la spiritualité et les croyances que l'on choisit d'adopter, et met en scène de façon plaisante l'opposition entre le pessimisme et l'optimisme à travers son duo d'acteurs principaux. Stanley, incorrigible pessimiste qui refuse de croire qu’il ne puisse y avoir plus à la vie que ce qu’on voit, n’a été véritablement heureux que lorsqu’il s’est laissé convaincre par la pétillante Sophie, incarnation même de l'optimisme — la question étant alors, vaut-il mieux être heureux en se laissant bercer d’illusions, ou affronter la vérité, quitte à renoncer au bonheur ? Stanley retrouve finalement sa nature rationnelle, mais admet dans un élan de niaiserie qu’il existe bien une forme de magie — l’amour.
Et si on est prêt à passer outre les quelques défauts qui empêchent Magic in the Moonlight de véritablement décoller pour tout de même se laisser entraîner par cette agréable fable, c’est que, encore une fois avec Woody Allen, le charme opère.