Il n’y a finalement pas plus ardu à mettre en scène que le genre fantastico-réaliste. Si l’épreuve est périlleuse, c’est que le réalisateur doit dans un contexte contemporain réel amener un évènement surnaturel qui doit pouvoir être vraisemblable, chose qu’il n’est pas par nature. Pour son film, le réalisateur italiano-turc Ferzan Özpetek choisit en toile de fond une Italie coloré touché néanmoins par la crise (logement, demandeurs d’emploi). Mais, ici pas de critique ou de constat de la société. Ce sont les péripéties de Pietro, jeune sicilien homosexuel partant à Rome pour devenir acteur, qui prédominent. Il achète une ancienne maison, vestige de l’aristocratie pro-Mussolini, dont le faible prix s’explique par les fantômes qui y habitent. Information qu’il ignore et qui amène sans doute les seules bonne séquences puisque Özpetek utilise autant qu’il ironise les codes du genre. Cependant, l’incursion dans le surnaturel ne semble finalement n’être qu’un gadget scénaristique pour un réalisateur superficiel. Pas de nouveauté, et donc de la fadeur, dans un film qui n’arrive pas à atteindre ni humour (le ronflement n’étant pas le summum de la finesse), ni onirisme. Le projet est pourtant ambitieux, et on sent l’influence d’Almodovar (dont les serveuses du café sont des pâles copies de l’univers du cinéaste espagnol) qui était parvenu à la maestria avec Volver (2006), drame familiale teinté de surnaturel.
L’autre incompréhension du film se situe autour de l’homosexualité du personnage principal. Ferzan Özpetek s’est fait, par le biais de son cinéma, un porte-parole de l’homosexualité en Italie dont son dernier film (grand succès en Italie), Le Premier qui l’a dit (2010), se penchait sur la question de l’annonce au sein de la famille. Il s’inscrit alors une nouvelle fois dans la veine du cinéma d’Almodovar mais sans jamais donner une légitimité à cette caractéristique. Magnifica Presenza ne dispose d’aucun traitement de l’homosexualité. Questionné sur l’orientation sexuel de son personnage, Elio Germano tombe alors dans le cliché justifiant cela par le fait qu’il dispose ainsi d’une sensibilité plus importante qui lui permettrait de mieux croire à ce qui se passe devant lui. Sans le génie d’un Xavier Dolan (Laurence Anyways), Ferzan Özpetek plonge dans le milieu transsexuel au cours d’une scène (celle de l’Abbesse) tape-à-l’œil et dont l’inutilité n’a d’égale que la force des clichées qui y sont présent. Une phrase du film m’a d’ailleurs choqué : « Si je crois en moi, je peux bien croire aux fantômes » dira un personnage secondaire (insipide) tailleur de pierre le jour et travesti la nuit. Ce jugement si violent sur la condition des travestis donne l’impression de retourner à l’époque de la différence sexuelle comme maladie mentale. Une faute pour un cinéaste qui semble pourtant investi par son cinéma.
Magnifica Presenza, outre son côté conventionnel de dénonciation de l’homme-traître prêt à tout pour un peu de gloire, dispose cependant tout de même d’un discours intéressant et bien mené sur l’évolution de la figure de l’acteur. Se retrouve face à face dans la maison, une troupe de comédiens issus de l’âge d’or du théâtre et Pietro souhaitant devenir acteur dans une situation audiovisuel bouché. Comme dans le milieu du travail, c’est la « surqualification » des acteurs que Özpetek met habilement en scène dans un plan séquence savoureux dans lequel Pietro passe une audition pour une publicité de savon dans laquelle il doit passer par toutes émotions. Des acteurs demi-dieux des années folles, il ne reste rien pas même l’aura de la figure de l’acteur. Pietro est un simple bout de viande interchangeable qui perd son identité, les directeurs de casting changeant son nom. C’est également l’évolution de la façon de jouer qui est mis en avant faisant de la troupe des comédiens plus près du mime ou de la force que du cinéma.
Cependant, ce discours ne permet pas au film de décoller. Magnifica Presenza est finalement aussi consistant qu’un fantôme. Ferzan Özpetek passe à côté de son film.