Depuis 1964, Gino Cervi (dont, en France, on limite trop souvent la carrière au seul rôle de Peppone dans les Don Camillo, alors qu'il eut une filmographie d'une grande richesse, jouant même Jean Valjean dans une très belle adaptation des Misérables) incarne le Commissaire Maigret dans une série pour la télévision italienne, dont les épisodes sont réalisés par Mario Landi. Le grand succès de la série incitera les producteurs à tenter de conquérir le marché français à travers une de ces co-productions franco-italiennes si fréquentes dans les années 50-60, continuant à en confier la réalisation à Mario Landi.

C'est là, d'ailleurs, l'erreur principale de ce film. Landi fait preuve d'un manque d'imagination incroyable, déployant une réalisation télévisuelle plate et morne, presque atone. Il faut bien être, comme moi, un grand fan du personnage créé par Simenon pour poursuivre le film.

Ce qui surprend ici, c'est le ton presque badin qu'emploie le film à certains moments. Le Maigret joué par Cervi n'a pas cette lourdeur, cette pesanteur sur laquelle Simenon insistait tant dans ses romans. Il fait des blagues et n'hésite pas à se consacrer à cette enquête pour fuir des retrouvailles familiales avec une belle-soeur qu'il apprécie guère. La petite musique qui accompagne le film contribue aussi à cette atmosphère plus légère.

Mais ce Maigret là n'hésite pas, s'il le faut, gifler des suspects et à se mettre en colère contre ses hommes. Il est aussi adepte d'enfreindre les règles habituelles des enquêtes, quitte à prendre des risques qui mettront sa carrière en jeu : en cela il est plus facile de reconnaître le personnage de Simenon.

C'est surtout dans sa façon de traiter les personnages secondaires que l'on retrouve ce qui fait l'intérêt de Maigret : la solution se trouve au bout de discutions avec des personnages qui ont tous quelque chose à cacher. Les crimes sont, comme souvent chez Maigret, l'aboutissement de drames personnels, intimes. On retrouve dans ce film cet attachement à l'humanité des personnages, même si c'est parfois maladroit. Les seconds rôles sont globalement bien interprétés, avec entre autres un excellent Raymond Pellegrin.

Le scénario est plutôt bien écrit, les épisodes de l'enquête s'enchaînent bien. Et si ce film ne restera pas dans les mémoires, il est avant tout à voir comme une curiosité : c'est la dernière fois que l'on verra Maigret sur grand écran avant le film de Patrice Leconte avec Depardieu sorti en 2022, 56 ans plus tard.

SanFelice
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le 20 déc. 2024

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