La parole est à la défense

Mesdames et messieurs les jurés, comme certains d’entre vous, j’avais une autre attente en allant voir le film de ma cliente, Maléfique. J’avais en tête le film de 1959 et je le transposais dans notre cinéma d’action d’aujourd’hui.
Je voyais des gobelins méchants et benêts transformés en de terribles monstres assoiffés de sang, je voyais un dragon noyant la forêt et la ville dans des torrents de feu. Je voyais des scènes de carnage ne laissant que des restes fumants. Par contre, je me rassurais en me disant que les guerriers humains, bardés d’armures d’épées et d’arcs, sauraient faire face. Nos trois bonnes fées débonnaires seraient transformées en walkyries maniant aussi bien l’épée que la magie explosive. Et le prince Philippe, beau musclor intrépide, livrerait un combat impitoyable contre le dragon. Il aurait été enseveli dix fois dans les flammes sans que son brushing n’en souffre, il aurait passé un doigt distrait sur une plaie laissée par une dent de dragon, avant d’occire vaillamment le dragon, autrement dit Maléfique.
Et ce film de 2014… Rien à voir avec ce que je pensais. Au contraire ! Une Maléfique, bonne et rêveuse, qui règne sur un monde poétique de magie et de douceur. Des méchants humains qui font irruption dans son univers où ils ne sont pas vraiment invités. Les humains qui trompent et humilient Maléfique, qui dévastent son monde. Et après cela, vous voudriez que ma cliente soit gentille. Qu’auriez-vous fait à sa place, mesdames et messieurs ?
Je ne peux pas répondre pour vous. Mais le film nous montre ce que Maléfique a fait. Après avoir tiré une juste vengeance de qui de droit, elle se réconcilie avec les humains et bénit même l’union d’Aurore et du prince Philippe. Elle a pardonné, mesdames et messieurs ! Voilà un exemple pour tous, voilà une preuve qu’il ne faut pas juger les personnes sur une seule impression.
Mesdames et messieurs les jurés, je vous invite à voir, ou revoir, les deux films l’un après l’autre. Et alors, vous accèderez à ma requête : je vous demande d’acquitter ma cliente, Maléfique !
Merci de votre attention.