Premier jour de retraite et déjà l'anarchie
On devrait toujours se réjouir quand arrive un nouveau film de Kervern/Delépine. Parce qu'on sait depuis le temps qu'on va rire et se faire (gentiment) bousculer, et qu'au-delà du gros délire on aura à faire à un univers authentique, qui va un peu nous faire oublier les Chtis Mouchoirs et niaiseries similaires. Mammuth est déjà le quatrième opus du duo grolandais, cette fois doté d'un casting all star, et toujours pas la pointe d'une concession.
On y retrouve l'humour musclé caractéristique de Groland et Louise Michel, mais le film est ici porté par le souffle et l'imposante présence de Gérard Depardieu, bluffant en retraité déboussolé et pataud qui encaisse les épreuves avec un tel flegme que cela en devient émouvant. On l'accompagne à chaque scène, on l'observe, jusqu'à l'indécence, à coups de plans rapprochés sur son corps et son visage gargantuesques, qui occupent tout l'espace et provoquent inévitablement l'empathie.
Parsemé de jolies trouvailles de mise en scène et de nombreux moments jubilatoires (le pot de départ, les scènes de couple Yolande/Depardieu, les retrouvailles des cousins..), le film est inégal et les gags parfois inutiles, surtout dans sa seconde partie. L'enchaînement des sketches à la manière d'un best of de Groland peut parfois mettre en péril la cohérence de l'ensemble mais peu importe, on rit beaucoup et on s'attache à l'odyssée du héros, dont la tendresse et la poésie nous maintiennent en haleine jusqu'au terme.
Comme toujours dans le travail de Kervern et Delépine (et même si le cynisme y est parfois gratuit, juste pour le plaisir), c'est par l'humour grotesque, le vulgaire, la caricature jusqu'au malaise que l'on dénonce l'exploitation des petites gens et le rejet de la marge, l'abrutissement par le travail, la liberté qui fuit.
Un road trip initiatique qui célèbre - à sa façon - l'amour comme seul remède à la rudesse et à l'absurdité du monde.
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