[Série Dans le top 10 de mes éclaireurs : Gothic]
Face à la charge pathétique qui l’empèse, Mar Adentro commence plutôt bien. Traiter de l’euthanasie active d’un homme en pleine possession de ses capacités mentales pouvait présager tous les excès, et c’est avec une certaine sérénité que le récit s’installe, Javier Bardem et son sourire de sage entouré d’une galerie de personnages qui apprennent de lui autant qu’il ont à lui donner. La diversité des situations est assez bien distribuée pour varier les enjeux, entre la famille qui refuse de le voir partir et l’estime en dette envers eux, la jeune charitable en mal de bienfaisance ou l’avocate qui va l’aider à nous restituer le fil de sa vie.
On ne s’attend pas à voir Amenábar marcher à ce point sur les traces d’Almodovar dont on retrouve la vivacité et les pics émotionnels présents notamment dans Parle avec elle.
Lancé dans sa quête, Ramón l’immobile devient un pivot autour duquel la vie ne cesse de proliférer : celle des autres, celle de son combat, mais aussi de ses rêves intérieurs, occasionnant quelques prises de vues un peu emphatiques (survol des montagnes, plages, etc…).
C’est à partir de cette première demi-heure que les choses se gâtent.
Multipliant les gros traits et en dépit du bon sens, Amenábar transforme son personnage en Dom Juan, désireux d’unir à tout prix Eros et Thanatos pour des noces forcées et presque gênantes. Chaque personnage se fige dans une déclinaison automatique (l’amoureuse qui choisit la vie, celle qui lui donne ce qu’il demande, la famille qui subit).
On pourrait se montrer tolérant face à ces maladresses, notamment grâce au jeu si humain des comédiens, si le film ne finissait par s’alourdir au-delà de son écriture, dans sa tonalité même. Cette insupportable musique irlandaise, aussi incongrue que lourde, gâche bien des prises de vues. Si l’on nous épargne une fin trop sirupeuse et que l’émotion y fonctionne, le générique de fin, insulte totale au bon goût (les personnages apparaissent dans des bulles aux contours flous sur un paysage maritime, toujours avec cette musique) achève de faire pencher du côté du téléfilm bon marché ce film pourtant assez habile à d’autres moments.