Martial Club
7.1
Martial Club

Film de Liu Chia-Liang (1981)

Voici peut-être le film du Sifu qui démontre le plus ouvertement sa logique cinématographique. Élève du plus célèbre disciple du non moins célèbre Wong Fei Hong, Liu Chia Liang prouve ici sa grandeur et sa facilité à enchaîner les classiques martiaux avec une identité très forte et bien à lui sans pour autant miser sur la tension dramatique.


Martial club s’apparente presque à un cours de philosophie martiale à l’image de sa scène d’introduction où le Sifu explique quelques détails sur la danse du lion comme s'il présentait une émission de télé dédiée aux arts martiaux. Plus que dans toute autre réalisation, la dramatique y est quasi inexistante et l’intérêt est concentré sur la philosophie martiale en elle-même, presque hermétique, évoluant en vase clos dans les studios de la Shaw comme pour renforcer le cocon instauré. Sa mise en scène se contente d’ailleurs de plans larges ou rapprochés très souvent fixes pour déblayer tout ce qui pourrait obstruer la bonne compréhension du spectacle qui s’y déroule. Et le spectacle démarre très fort avec une danse du lion sur pyramide humaine qui fait déjà office de référence unique en la matière. Le show Liu Chia Liang est lancé sur les chapeaux de roue.


L’incontournable Gordon Liu interprète Wong Fei Hong, jeune élève encore trop fier et déconcentré pour représenter le maître à venir. Martial club, c’est avant tout trois écoles de la boxe du Sud qui cohabitent avec respect comme le prône depuis toujours Liu Chia Liang. Robert Mak et Gordon Liu sont amis et élèves des deux premières écoles. Le premier embrigade très souvent le second dans des excès de confiance indignes d’un véritable maître. En contrepoids évident de Gordon qui trouvera peu à peu la maîtrise et la concentration des grands, Robert Mak ne cessera de se montrer (au bordel notamment) avec désinvolture. L’ambiance resterait d’ailleurs constamment légère et détendue si la troisième école ne visait pas à dominer les deux autres.


Comme dans la plupart des comédies kung-fu, la logique action / réaction ne peut fonctionner qu’avec une bonne dose de quiproquos qui font avancer le film malgré le manque de tension. Toute la première partie de Martial Club est fortement ancrée dans cette logique. Un petit quiproquo en suit un autre et voilà le seul moteur qui peut justifier la leçon martiale en cours. Car Liu Chia Liang ne cherche finalement qu’une seule chose, dispenser sa philosophie, le travail quotidien, la concentration, le respect, la rigueur, l’humilité. Ah, c’est beau, mais difficile de tenir 1h45 sans la moindre action / réaction conséquente.


Heureusement, aux commandes de cette troisième école qui manque de respect (ououh la vilaine), Chu Tet Wo et Lee King Chue font appel à un grand maître du Nord et espèrent le pousser au conflit avec les deux autres écoles et ainsi écraser la concurrence.


léger spoil
Là où Chang Cheh s’engouffrerait dans la brèche à grands coups de combats haineux et saignants qui finiraient sur un bon gros massacre (*), Liu Chia Liang propose une idée simple qui s’avère brillante pour exposer sa logique : Johnny Wang Lung Wei y joue le maître du Nord. Éternel bad guy de la Shaw notamment pour Chang Cheh, Johnny Wang trouve ici son meilleur rôle aux antipodes de sa caricature habituelle. Il débarque très détendu en voyageur aux allures de bohème. Avec sa trogne de méchant par excellence, il possède naturellement l’ambiguïté nécessaire à semer le doute. Le spectateur aussi bien que les personnages ne peuvent que s’interroger sur les desseins de ce molosse qui devrait logiquement se rallier aux fourbes. Pourtant Wang lung Wei gardera un respect constant, restera observateur sans jamais s’interposer entre les trois écoles. Il n’est là que pour découvrir les arts du Sud et pourquoi pas apprendre des choses aux contacts de nouvelles techniques. La découverte d’une culture inconnue (déjà développée dans "Shaolin contre Ninja") fait aussi partie du message du Sifu Liu Chia Liang. L’élève Wong Fei Hong trouve sa voie en écoutant son maître et en observant le rival supposé qui est lui simplement heureux de découvrir de nouveaux horizons et ne daigne se battre qu’en dernier recours. Wang Lung Wei totalement à contre emploi devient donc l’image parfaite de l’accomplissement martial que Liu Chia Liang souhaite inculquer au jeune Wong Fei Hong.
léger spoil


Aucune victime, aucune goutte de sang, mais un message limpide de la part du Sifu et un nombre très élevé de combats dans la plus pure tradition Shaolin assurent la tenue, armes et techniques à l’appui, avec les élèves préférés du Sifu, Lee King Chue (assistant oublié de Liu), Gordon Liu, Hsiao Hou, et Kara Hui toujours aussi jolie et impressionnante (martialement parce que pour le jeu…. Un vrai mec).


Le combat final dans une ruelle qui se rétrécit petit à petit, repris dans "Seven Swords", est absolument magnifique et inventif, obligeant Gordon et Johnny à changer constamment de techniques. Une multitude d’autres combats trouvent toujours l’idée originale qui fait toute la différence entre Liu Chia Liang et les autres chorégraphes. Un combat avec des rouleaux de tissus expose la technique du cheval campé, un boxon incroyable dans un théâtre expose la souplesse de Hsia Hou, des démonstrations de bâtons et de santsetsukon d'une vélocité incomparable, etc.


Bref, le spectacle est à la hauteur et le message on ne peut plus clair mais j’insiste, Liu Chia Liang c’est aussi du cirque quelque part. Il y a les clowns, les acrobates, les prestidigitateurs, les maîtres de cérémonie, le tout mélangé comme pour une grande fête dédiée aux arts martiaux, la philosophie martiale comme liant primordial.


(*) "Shaolin Rescuers" de Chang Cheh débute exactement de la même manière que Martial Club, une ambiance très légère où deux élèves frimeurs et puérils recherchent sans cesse à se comparer, à montrer qui est le meilleur. Mais ils ne représentent aucune école, ne montrent aucune voie spirituelle, sont indépendants et entrent finalement en conflit avec les mandchous pour déboucher sur… un gros massacre évidemment. Chang Cheh ne s’attarde pas sur le pourquoi du comment de la voie martiale, il ne l’utilise que pour arriver au conflit et au bain de sang héroïque final.


Liu Chia Liang s'est éteint aujourd'hui. Sa mémoire est immortelle, son héritage colossal. Repose en paix Sifu.

Créée

le 25 juin 2013

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drélium

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