Avec son premier film, (500) Days of Summer, Marc Webb s'était un peu imposé comme le petit réalisateur prodige à suivre de près. Il avait réussi à prendre la formule classique et éculée de la rom-com pour offrir un très beau film sur l'aigreur des relations humaines et des attentes déçus au sein d'un récit qui jouait sur le fait que l'amour n'était pas toujours à double sens. Mais les vraies qualités du film résidaient surtout dans sa fine étude de caractère avec des personnages loin du standard de ce genre de films et aussi son audace visuelle. Misant sur son expérience acquise dans la réalisation de clip, Webb donnait une forme rafraîchissante et inventive à son oeuvre. Malheureusement, quand on est un réalisateur pleins de promesses à Hollywood, les gros studios ne tardent pas à mettre le grappin sur vous. Webb enchaîna avec la mise en oeuvre de The Amazing Spider-Man, deuxième reboot de la franchise. Donnant naissance à un premier opus sympathique mais générique au possible avant de sombrer dans une suite catastrophique qui enterra la franchise au point que Sony ai dû vendre une grosse partie des parts à Marvel pour que l'homme-araignée rejoigne le MCU. Tuant ainsi les projets que Sony avait pour le personnage.
Suite à un tel échec, on se demandait ce qu'allait pouvoir faire Marc Webb et il semble que ce dernier soit revenu à l'essence de son cinéma avec Gifted, un petit film indépendant qui évoque ses débuts. Sauf qu'il ne faudra pas longtemps pour se rendre compte que Gifted n'est pas (500) Days of Summer. Car là où avant il prenait les clichés d'un genre pour les envoyer en éclats, ici il s'y love confortablement. Gifted est un film attendu à tout les niveaux. Pas qu'il en soit mauvais pour autant, au contraire il arrive même à réussir la plupart des choses qu'il entreprend mais jamais il ne surprend et se déroule sur les rails de la prévisibilité. Tout les personnages d'écoulent de clichés entre la figure paternelle protectrice, la grand mère froide et calculatrice, la jeune prof amoureuse etc. On ne sera jamais pris au dépourvu par les relations qui se nouent entre les personnages et on s'agacera même de voir l'inutilité de certains comme la voisine des protagonistes qui ne sert à rien dans le récit et n'est même pas un personnage correctement développé.
Mais néanmoins, malgré une écriture qui peu paraître paresseuse l'ensemble se révèle attachant. Principalement grâce au personnage de Mary qui sort un peu du carcan habituel de ce genre de production. Insolente, drôle et futé, elle est le rayon de soleil du film et permet dans ses interactions de sortir certains personnages de leur clichés et leur apporte une certaine profondeur. La grand-mère apparaît donc comme un personnage plus complexe et moins manichéen et brosse en finesse un drame familial poignant et interroge intelligemment sur ce que ça implique d'avoir un intellect particulier. Le film traite son sujet avec finesse, à la fois sérieux et décomplexé, et pose les bonnes questions quand il s'agit de devoir se confronter avec la différence. Humble dans ses réponses, il parvient à dépasser sa prévisibilité latente pour arriver à attacher le spectateur à ses personnages notamment dans la relation centrale du récit qui gagne en épaisseur au fur et à mesure. Chris Evans s'impose dans un registre dans lequel on a pas l'habitude de le voir et il s'en sort admirablement bien. Sa performance toute en retenue sonne juste et il partage une alchimie évidente avec la jeune McKenna Grace qui crève l'écran. Bourrée d'énergie, elle offre une prestation exemplaire, nuancée et touchante qui prouve que le talent n'a pas d'âge. Le reste du casting se montre aussi très bon et font convenablement le job.
On regrettera cependant que la réalisation soit en pilotage automatique. La photographie est plutôt jolie mais n'est là que pour soutenir des plans classiques dans un style typique du drame indépendant américain. La caméra porté à l'épaule est proche des personnages et on est face à un petit film indé des plus traditionnels sur ses visuels. On semble avoir perdu la folie visuelle des débuts de Marc Webb, il signe ici une mise en scène désincarnée. Elle reste solide et sans fausse note mais dégage que peu d'émotions ou de magie. On retrouve par contre son amour de la pop musique, et il rythme assez bien son film pour que l'on ne voit pas le temps passer mais on ne dépasse jamais le stade du gentillet. C'est dommage car un esprit comme Mary aurait pu permettre certaines extravagances visuelles intéressantes mais Webb préfère rester dans les clous et jouer les enfants sages. A croire que (500) Days of Summer aura donc été une anomalie pour un metteur en scène qui semble vite à court d'idées.
Cela dit, Gifted reste un bon petit film. Il est certes prévisible et a une réalisation très classique mais il dégage assurément son charme. Surtout qu'il possède un propos intéressant qu'il arrive à traiter avec finesse, donnant par la même occasion une épaisseur bienvenue à certains de ses personnages. Souvent drôle et parfois même attendrissant, Gifted sait aussi se montrer touchant notamment à travers la prestation à fleur de peau de McKenna Grace faisant de lui un film qui ne révolutionnera pas son genre, mais qui en est une itération plutôt réussi. Un divertissement parfait pour un dimanche soir pluvieux.