Surcote d'Azur
Mascarade part très mal avec des témoignages lors d'un procès, qui vont revenir à intervalles réguliers, et des flashbacks qui vont nous guider (lourdement) pour comprendre le pourquoi du comment...
le 29 mai 2022
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Nicolas Bedos, est, dans le sens le plus honorifique du terme, un ambitieux : lorsqu’il s’atèle à un film, il le voit en grand, et s’y jette à corps perdu. L’écriture sera ample, le cadre profus et la réalisation généreuse. C’était déjà le cas dans La Belle époque, qui revisitait le principe de la fiction pour voyager dans le temps d’un couple décati, et dédoublait sa recherche de l’amour parfait sur la nouvelle génération. Le dispositif est donc, chez le cinéaste, une béquille indispensable : point de marivaudage sans ce plaisir élaboré de la mystification, une narration à tiroirs et la promesse sans cesse renouvelée de rebondissements.
Mascarade va donc prendre pour cadre la Côte d’Azur (« un endroit ensoleillé peuplé d’êtres obscurs », comme l’écrit Somerset Maugham en exergue), lieu fantasmé idéal pour le cynisme aiguisé de Bedos : « les très riches s’y ennuient, les riches font semblant d’être très riches et les autres crèvent de jalousie » : un programme qui ne présente aucune victime, et dans lequel on alimente au fiel la théorie du ruissellement.
Le casting luxueux est au diapason de ce cadre rutilant : on frôle le film choral pour faire de ces villas et bureaux de la ville basse un essaim de convoitises, où le sentiment et le désirs sont les aiguillons des pigeons, et le charme la force en acte des manipulateurs. Avec la lourdeur qui le caractérise, Bedos surligne bien des thématiques (le gigolo qui besogne la star déchue en regardant son image jeune, sorte de relecture vulgaire de Boulevard du Crépuscule), et fait du sexe sans entraves l’apparente affirmation d’un amour libertaire.
Son désir d’un grand œuvre le pousse à difracter les intrigues (trafic de tableaux, nombreuses arnaques à tiroirs, démultiplication des couples), et la narration, par un procédé de flash-backs à l’occasion d’un procès sur lequel on revient à intervalles réguliers. Il faut reconnaître au cinéaste cette capacité à fluidifier ses différents arcs, dans un récit dont la longueur (2h15 actuellement, 8 minutes de moins qu’à Cannes) n’est pas pesante, et le rythme bien tenu. La mise en scène, dynamique et inventive, se fraie un passage en mouvement continu au sein de ces différentes strates, et offre une image sur pellicule au charme indiscutable. Le talent du bonhomme est généreux, voire ostentatoire, et en adéquation avec ses thématiques obsessionnelles.
On pourra suivre sans déplaisir cette nouvelle variation sur les arnaques amoureuses et financières, tout en se posant quelques questions sur la finalité de cette Mascarade, qui fera évidemment de la vanité sa mélodie première. Mais le regard acéré du cinéaste se nourrit surtout d’une haine féroce pour le genre humain qui relève presque d’une vengeance sur les milieux dans lesquels il a évolué. Les personnes qui sortiront victorieuses de ce jeu de dupes n’en seront nullement grandies : elles auront surtout appris à s’emparer des forces noires qui nourrissent toute cette décomposition générale, en les tournant à la leur faveur. Ce que fait Nicolas Bedos, qui privilégie le rebondissement à l’accomplissement, et la séduction cynique au véritable charme.
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Créée
le 3 nov. 2022
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