L'obstacle de la parole
Pour son premier film au sein de la maison de production Les Films Jean Epstein fondée par ses soins, le cinéaste se propose d’adapter le roman de même nom écrit par George Sand, soit Mauprat,...
le 17 juin 2019
1 j'aime
Pour son premier film au sein de la maison de production Les Films Jean Epstein fondée par ses soins, le cinéaste se propose d’adapter le roman de même nom écrit par George Sand, soit Mauprat, histoire d’un amour difficile dans un Berry qui porte en lui les germes de la Révolution française à venir. Aussi Epstein se montre-t-il soucieux de respecter l’écriture assez rousseauiste de l’œuvre littéraire et accumule les intertitres pour renseigner sur la parole des protagonistes : il faut à tout prix éviter que le spectateur perde le fil philosophique de l’intrigue, et réduise le canevas à n’être qu’une romance longuette.
Ce faisant, le cinéaste obstrue néanmoins la fluidité de son récit et semble refuser – du moins limiter – le pouvoir langagier de l’image qui, à elle seule, aurait suffi à exprimer retournements dramatiques et émotions. Comme le précise Natacha Thiéry dans son article consacré à « La parole dans le cinéma muet », « la parole dans le cinéma muet est indissociable de la situation du corps » et du décor qu’Epstein capte d’ailleurs avec une beauté romantique superbe. Pourtant, les extérieurs n’occupent que peu d’espace, alors que les salons provoquent un sentiment d’étouffement, sans que ce dernier ne soit occasionné par la tension entre le dehors et le dedans. Le corps des personnages, bien que saisi à quelques occasions de façon magnifique, se gagne jamais cette liberté qui conduit les deux amants à résister contre vents et marées. Il y a quelque chose de trop retenu ici, un soin trop didactique porté à l’histoire qui conduit à sacrifier, sur l’autel de la fidélité dans l’adaptation, le parti pris de l’artiste, sa vision.
Car Mauprat version 1926 ne s’avère pas vraiment passionnant à suivre, loin s’en faut, et il serait hypocrite de s’extasier devant ce film mineur à la seule considération du nom de son cinéaste génial. Entre ses recherches formelles et esthétiques – pensons à l’ouverture, magnifique – et sa volonté de démocratiser l’art pour en expliquer chaque parcelle de sens, Epstein évacue le trouble et le mystère que le roman sandien exigeait.
Créée
le 17 juin 2019
Critique lue 178 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Mauprat
Pour son premier film au sein de la maison de production Les Films Jean Epstein fondée par ses soins, le cinéaste se propose d’adapter le roman de même nom écrit par George Sand, soit Mauprat,...
le 17 juin 2019
1 j'aime
Du même critique
Nous ne cessons de nous demander, deux heures durant, pour quel public Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu a été réalisé. Trop woke pour les Gaulois, trop gaulois pour les wokes, leurs aventures...
le 1 févr. 2023
127 j'aime
9
Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...
le 19 janv. 2019
89 j'aime
17
Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...
le 11 sept. 2019
78 j'aime
14