A l’instar de nombreux films de Scorsese, Mean Streets se présente comme une étude sociologique d’un milieu clairement défini. Charlie, Johnny et leurs amis sont des petites frappes qui évoluent dans les rues de Little Italy. Après Who’s That Knocking at My Door, Scorsese signe ici sa deuxième déclaration d’amour à sa ville natale, New York. Il continuera à clamer cet attachement à la mégalopole durant le reste de sa carrière avec des films inoubliables comme Taxi Driver, New York New York, After Hours, The Age of Innocence, Raging Bull, Bringing Out the Dead ou Gangs of New York. D’autres cinéastes ont développé un travail similaire sur la ville, on pense notamment à Spike Lee, Woody Allen ou plus récemment Michael Mann. Chacun d’entre eux a su apporter un regard particulier sur la cité. Chez Martin Scorsese, la ville est vue sous l’angle du trottoir. En tournant avec une "caméra épaule" les plans de New York en l’espace de 6 jours, il capte des détails que seul un enfant du quartier pouvait repérer : de la vieille qui hurle à la fenêtre aux commerçants plus vrais que nature jusqu’au regard des badauds, tout concourt au réalisme du film. Dans les années 70, New York n'était pas encore passée entre les mains décapantes de Giuliani. La ville est alors une jungle où cohabitent prostituées, drogués, macs et paumés de toutes sortes ; les rues sont dépeintes sans concession. Pendant le tournage, on pouvait lire sur le clap "Mean Streets" (les rues misérables). L’anecdote raconte que les habitants du quartier étaient énervés par ce titre et insultaient l'équipe de tournage accusée de donner une mauvaise image de Little Italy ! Mais si Scorsese filme les rues avec un tel réalisme, il en extrait aussi une certaine forme de beauté à travers quelques éclairs de mise en scène : lors de la dernière virée nocturne de Charlie, la caméra saisit des images ahurissantes, captant les lumières de la ville pour les mixer à la bande-son et donner naissance à un éblouissant tableau de bruits, de lumières et de couleurs. En regardant cette scène, on peut déjà parler de "fulgurances scorsesiennes". Les rues sont inhospitalières mais exercent un pouvoir d’attraction. C'est peut-être ici que réside l'originalité la plus flagrante du cinéma de Martin Scorsese : être capable de filmer une ville répugnante peuplée de personnages immondes tout en les rendant séduisants.
Berluchon
9
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le 18 janv. 2015

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