A en juger par les paupières lourdes de quelques spectateurs et aux longs soupirs des autres, Meat est loin d'avoir fait l'unanimité lors de sa projection à l'Etrange Festival. Présenté par ses deux réalisateurs néerlandais comme un film parlant « de mort et d'érotisme », le pitch était pourtant plutôt aguicheur dans le genre déviant : « Pour oublier sa vie minable un boucher entre dans la tête de Roxy, une jeune femme qui l'obsède, et filme le tout en vidéo... ». Problème de traduction ou manque de compréhension, le film aurait plutôt dû être résumé par : un boucher échappé d'un épisode de Derrick murmure des insanités à son employée, une blonde pulpeuse, qui filme des côtes de porc toute la journée.
Se vouloir à tout prix expérimental : le souci principal de Meat est là. Nous avons l'impression que les réalisateurs se regardent filmer pendant une heure et demi, n'apportant absolument rien de novateur, aussi bien en termes d'explorations visuelles que narratives.
Les séquences se succèdent, alternant dans la première partie entre découpage de viande, pseudo porno dans une chambre froide et histoire parallèle, jouée par le même acteur principal. Sauf qu'aucun effet de mise en scène n'arrive jamais à nous procurer la moindre émotion, à nous perdre ou nous dérouter. Frisant la parodie tant il reprend les recettes rebattues mélangeant sang et cul, la volonté de choquer n'aboutit qu'à une vidéo arty à la vacuité abyssale. La seconde moitié du film tente de revenir à un récit plus classique, introduisant un retournement de situation dont on ne comprend absolument pas la finalité, si ce n'est de jouer maladroitement avec les conflits de personnalités.
Meat ne s'affirme pas plus esthétiquement, étant non seulement laid mais surtout revendiqué comme tel. Comme si ambiance glauque devait obligatoirement rimer avec photo mal éclairée et couleurs blafardes, Seyferth et Nieuwenhuijs semblent également vouloir rechercher l'angle ou le cadre le moins adapté à chaque plan. Et lorsque longs silences s'enchaînent avec l'accentuation volontaire des sons quotidiens, parfois entrecoupés d'une musique techno assommante, on se dit que décidément rien ne nous sera épargné.
On n'échappe même pas au discours sur les végétariens intégristes et en sortant de cette douloureuse expérience, on se dit qu'étrange ne devrait jamais être synonyme d'autant de trivialité.